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9 février 2025 7 09 /02 /février /2025 18:50

Comme souvent, en approchant ces communautés isolées où nous sommes les premiers étrangers à arriver à pied, on ne voit personne. Les habitants se cachent, inquiets de cette apparition chez eux, qu'ils ont du mal à comprendre, à identifier. Comme toujours le mieux est de se poser dans un endroit bien visible et d'attendre. Cela peut durer plus ou moins longtemps mais il n'y a rien d'autre à faire, sinon repartir. Ici c'est impossible car aucun chemin ni piste indique une sortie. Ce village vit isolé, sa particularité est notable et les quelques habitants aperçus aux environs ne sont pas habillés à la mode "quechua ou aymara" . En plus ils parlent une autre langue, le Puquina, un ancien dialecte des Urus . Selon Araya voyages :

"La communauté Chipayas est installèe sur l'Altiplano en Bolivie à 3657 ms, proche du salar de Coipasa,  dans la région d'Oruro, province de Sabaya.

Ses origines proviennent  de l'ethnie Urus qui est répartie sur le plateau de Collao dans les territoires de la Bolivie , du Pérou et du nord du  Chili. Dans le passé, ils furent l'un des peuple les plus importants de la région avec plus de 80000 membres et  occupaient des territoires plus étendus qui comprenaient même les vallées inter-andines du bassin du Pacifique.

 

Ses origines remontent à environ 2500 avant JC et ils seraient les premiers habitants de l'Altiplano bolivien. Pourchassé par les Aymaras  puis les colons espagnols  ils ont survécus en se déplacent, ce qui en fait un peuple éminemment nomade."

Finalement, deux enfants apparaissent devant une maison proche et nous regardent en souriant. Nous aussi, le contact est établi. Un autre gamin plus grand s'approche, également en poncho gris, attaché à la ceinture et nous salue de la tête. Nous répondons en espagnol et on s'observe. Une femme arrive avec de nombreuses petites tresses sur la terre et nous salue. Elle vient récupérer sa progéniture et nous pouvons lui parler de notre situation. Je lui explique, plus avec des gestes qu'avec des mots, que l'on cherche un endroit pour poser nos sacs. C'est une vieille habitude , depuis que j'ai commencé à faire la route, de laisser à la garde de quelqu'un, quelque part, toute ma fortune que je portais sur mon dos. Cela établi en général un rapport de confiance, spontané et amical. Elle a compris notre demande et nous conduit à l'école. On y rencontre le directeur qui nous autorise à nous installer  dans l'entrée. Elle nous apportera un thé avec d'autres villageois, dont un parle espagnol. Il veut voir nos papiers et une longue conversation s'engage sur nos périples . D'où venons nous, où allons nous? C'est difficile de leur expliquer que nous habitons en France et que avons du traverser l'Atlantique. On doit essayer de leur faire comprendre que la terre est ronde. C'est pas évident.  Mon métier c'est la photographie et mon Nikon en est la preuve. C'est entendu.

L'autorité nous propose un guide et nous partons faire une ballade dans le village. On remarque un sanctuaire avec des croix de laine colorée, des femmes qui tissent, assises au sol devant un métier tendu avec quatre piquets, et d'autres maisons rectangulaires aux toits en tôle qui sont inhabitées. Il nous explique que se sont des évangélistes qui les ont construites avant de repartir. Ils ont aussi donné des sacs de farine marqués US mais leur usage a provoqué des diarrhées aux enfants qui en buvaient. Nous revenons à l'école et la maîtresse nous offre une assiette bien garnie. On nous donne aussi une épaisse couverture en alpaga pour passer la nuit. Dehors un orage retentit et il pleut abondamment. Nous sommes arrivés juste à temps pour éviter ce vent violent que rien n'arrête sur ce plateau uniforme. J'en profite pour écrire à la flamme d'une bougie.

Au matin Kim nous quitte après avoir  arrangée la bicyclette . Après le thé et un bol de quinoa notre interprète revient. Il nous parle des flamands roses qui sont peut être apparus près du lac après la tempête et nous propose d'aller voir ça . Nous traversons le village et je vois qu'il ramasse au sol des brindilles et d'autres morceaux de végétaux apportés par le vent. Nous faisons pareil et il s'arrête dans une derniére maison ronde, avant la croûte de sel, pour y rencontrer une connaissance, celui qui sait attraper les oiseaux. Nous lui offrons notre cueillette de branchage et le but de notre visite. On reste devant sa porte et il ressort avec des plumes roses sur la tête et le corps. Nous le suivons jusque près du lac et au loin nous montre des flamands qui se déplacent lentement sur l'eau. Il nous dit de rester là, assis, et s'approche des oiseaux avec précaution, courbé en deux, à petits pas. Il n'est plus très loin et se lève soudain en faisant tournoyer avec sa main droite sa "boleadora"( trois morceaux de corde avec une pierre ronde à chaque bout).

Tous les échassiers s'envolent. Il court derriére et lance les cordes dans le tas. Une pierre s'accroche à une patte et les autres s'entortillent à une aile. L'oiseau tombe au sol . Il le ramasse et l'étouffe contre lui en récitant une prière. Ce genre de chasse se pratique ici depuis des générations et reste un moyen de subsistance qui fournit de la viande séchée, salée avec celle des vigognes qu'ils capturent de la même façon en s'approchant le plus possible des troupeaux sauvage. Notre guide nous explique aussi la façon de cultiver la quinoa sur ce sol stérile. Près des maisons, à la périphérie du village, ils font des enclos circulaires avec des blocs bruts de terres salées et y jettent quelques grains de maïs. La nuit, leurs lamas, parfois des moutons et des alpagas, viennent s'y abriter du gel nocturne. Après quelques mois, le terrain est cultivable grâce aux déjections et ils peuvent semer la seule protéine végétale qui équilibre leur alimentation faite surtout de pommes de terre et d'ocas .  Nous revenons à l'école pour un repas réconfortant et passer une nouvelle nuit sur la terre battue.

Il faut se préoccuper de savoir comment partir d'ici, sans revenir sur le même chemin qu'à l'aller. Dans la matinée notre interprète nous annonce qu'un camion devrait bientôt venir de Sabaya pour charger de la viande. Personne ne sait exactement quand, mais ce sera une solution pour aller ailleurs. En attendant nous partageons le quotidien de ces indiens qui sont moins de mille à parler le Puquina. On comprend qu'ils sont très attachés à cette terre et font souvent référence à leur passé, antérieur à celui des autres hommes. Ils ont la préoccupation de la laisser dans l'état où ils l'ont trouvé pour la transmettre aux futures générations. Ils s'habillent toujours pareil, tissent de la même manière, cultivent , chassent et cuisinent de la même façon, construisent des maisons identiques à celles de leurs ancêtres . J'ai pu assister à ce travail si particulier d'une charpente qu'ils réalisent sans utiliser du bois.                                                                                                                                    En fait de leur enfance à leur mort, ils ont toujours eu ce qu'il leur fallait et pas plus, pour vivre dans ce coin de désert au Nord de l'Atacama. Exactement le contraire de notre civilisation, qui produit toujours plus,et a fini par jeter plus au sud, en territoire chilien, des centaines de tonne de vêtements démodés que le vent éparpille sur le sable et les cailloux. Quel gâchis! Ils vivent en autarcie totale. Tout se passe entre eux, sur la base du troc et même lorsqu'ils "exportent" des blocs de sel avec une caravane de lama, ils reviennent avec du maïs. Bien qu'ils soient habitués à notre présence chez eux, ils ne cherchent pas spécialement à nous contacter mais on peut les regarder vivre. Ils sont toujours courtois et souriant dans leurs échanges. Chacun va à son rythme selon son activité et on se salue l'un l'autre, en se touchant juste la main droite ouverte et en inclinant la tête. On se respecte mutuellement. Nous avons le gîte et le couvert offert mais nos sacs sont prêts pour embarquer sur le prochain camion. 

Finalement il arrive le surlendemain, tôt le matin, et nous partons pour Huachacalla. Ce sera aussi le retour à notre vie nomade de marcheur, "mochileros" comme ils disent, durant plusieurs semaines, au gré des transports et des haltes, pour manger, boire de la "chicha" et dormir dans notre sac. On passe quelques villes et villages plus ou moins accueillants, Oruro, Quillacolo, Cochabamba, Cliza, Arani, Pacoma, Incallajta, Totora, Sucre. C'est à Betanzo que nous sommes pris en photo dans la rue par un artiste local qui a remarqué sa nouvelle robe d'indienne, "aymilla", brodée, avant d'arriver à Potosi. On fera halte à l'Alliance française avant de repartir en stop sur la route jusqu'à Vitichi. Une camionnette nous dépose en fin de journée sur la place à côté de l'église. Nous y dormirons sous le porche et la nuit sera froide, mais au matin, nous avons décidé de reprendre la marche pour retrouver ces chemins qui conduisent chez les" campesinos", les ruraux, les indiens.

Avec le café et du pain, le "padre" nous explique qu'en sortant du village, sur la droite, il y a une piste qui va à Yaivisla. Le paysage est une succession de collines et de vallées couvertes de cactus , d'épineux. Les habitants ont des vêtements de couleurs vives, Ce n'est plus l'altiplano bien que la terre soit toujours aussi aride. Notre arrivée au village dans l’après midi, après une succession d'escalades et de descente, est bien acceuilli par des enfants souriants. Ils veulent nous toucher, nous tendent la main. Devant les maisons ou au sol de nombreuse femmes sont entrain de tisser. Ils nous conduisent jusqu'à l' école où le directeur nous offre un bon repas et nous propose une salle pour dormir. Notre sommeil sera réconfortant et paisible. L’instituteur,  venu nous souhaiter une bonne nuit, nous apprendra que nous sommes les premiers étrangers à arriver à pied chez eux.

Au matin, mieux et plus souriant que dans un quatre étoile, une gamine vient nous porter du café au lait et du pain. Ensuite un adulte en tenue traditionnelle "calchienne"vient nous souhaiter le bon jour et nous invite à le suivre, dans une maison proche, pour assister à une fête.

 

 

 

 

 

 

   

 

 

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25 janvier 2025 6 25 /01 /janvier /2025 20:06
photo Nicky

photo Nicky

On a retrouvé l'asphalte à Guanay. De cet axe routier, au bord de ce Rio qui plus loin se jette dans Le Mapiri, affluent du Beni et de l'Amazone, soit on continue dans la forêt primaire vierge, sur six mille kilomètres jusqu' à l'Atlantique, soit on remonte vers la cordillère et La Paz. Les camions sont plus nombreux à aller vers le haut à partir de Teo Ponte. Des américains sont là et l'un d'eux nous accueille avec hospitalité chez lui. Ce 15 Avril on apprend qu'un avion US a été abattu par la Corée du Nord, trente et un morts. On sympathise, après cette triste nouvelle arrivée jusqu'ici, et le lendemain notre ami nous trouve un camion qui va jusqu'à la capitale.  On monte sur le chargement bâché et nous voilà, sur cette impériale, pour admirer en une journée, ce trajet qui traverse du tropical au désertique, toutes les évolutions et changements de la couverture végétale.

La grande ville, où nous avions gardé l'adresse d'un ingénieur agronome belge qui nous guide jusqu'à son domicile. Nous y resterons quelques jours pour récupérer des lettres à l'ambassade et envoyer, avec un passager de Luftansa, mes négatifs à l'agence Géo Press allemande. Un de ses amis, cordonnier, me donnera une magnifique paire de bottes qu'il avait cousue main pour Le Che. Elles me vont à merveille, exactement la même pointure. Je réparerai les chaussures de mon amie avec une semelle en pneu. On coudra aussi notre sac de couchage et des pièces de cuir sur mon pantalon. Un soir, nous faisons la connaissance d'un autre belge qui travaille pour la communauté d’Emmaüs à Oruro. Ce sera notre nouvelle destination, plein Sud, par l'Altiplano.

C'est un bus urbain, pour quatre vingt centimes de pesos, qui nous laisse en bord de route goudronnée, aux dernières maisons de la périphérie , sur le haut plateau andin. On reprend la marche dans l'air pur, et en début d'après midi une camionnette s'arrête et nous déposera à Patacamaya le soir. On aura fait quelques haltes dans des villages isolés, et selon les circonstances du moment, j' ai pris quelques photos, avant d'atteindre Oruro.  On en partira le jour de la fête du travail, à pied.   Cela deviendra dorénavant notre moyen de locomotion car,  vers le Sud Ouest, plus de route et très peu de circulation surtout. Cette région autour du lac Popo est peu habitée. "Le lac Poopó était un lac salin de disparu fin 2015. Il était situé à environ 3 686 mètres d'altitude sur l'Altiplano à 75 km au sud d', dans une région de climat aride." Il y fait très froid la nuit et le soleil brûle la peau le jour.

La premiére étape, en milieu d’après midi sera Pampa Aullaguas. Quelques maisons en brique crue au toit de tôle, forcément froides la nuit et tièdes le jour, nous incitent à poser nos sacs sur la place du centre.  Nous garderons en mémoire de ce premier jour à pied, la rencontre étonnante d'une caravane de lamas, une trentaine, chargés chacun de deux blocs de sel qui seront échangés, après un mois et demi de marche vers Cochabamba, contre du maïs. Ce moment unique reste aussi gravé sur ma pellicule Hp4. A l'entrée du village, aux rues de sable, aux maisons de terre et de paille, on voit un groupe d'hommes, habillés de pantalon en laine blanche, de larges ceintures à carreaux et un gilet rose. Ils ont des chapeaux en feutre, décorés d'un ruban de couleur avec une plume d’émeu. Ils dansent au son de la "zampoña", flûte de pan à quatre longs tubes.

Ils font des cercles, deux par deux, en dansant en rond et sortent dans la rue, vers la place. Au début, quand ils nous ont vus, ils ont rigolé, d'autres se sont cachés. Le plus téméraire est venu nous parler, suivi des musiciens. On a pu expliquer d'où on venait à pied, et ils ont continué leur fête. Nous les avons accompagnés jusqu'à nos sacs.  On s'assoit là, dans le calme et la simplicité du lieu, paisibles, au repos. Sortie de l'épicerie bar, une femme s'approche, en pantalon et chandail, pour nous informer du mouvement des camions. Celui qu'elle appelle le "gringo" ne reviendra qu'à la nuit ou demain. D'autres habitants viennent nous parler, nous écoutent et on ira chez "l'autorité" pour avoir un endroit où dormir. Il nous propose un coin de la salle et nous apportera une soupe. Les transporteurs de bois rentrent plus tard, sans notre "chauffeur". Le soleil se couche sur la pampa, on achète quelques provisions avant d'installer frileusement, notre double sac au sol, pour une mauvaise nuit froide.

Au matin, l'américain du Cuerpo de Paz est là devant la porte avec son chapeau et sa barbe. On se salue en anglais .Il nous dit de le suivre pour un déjeuner. C'est bien un "Peace corps", membre de cette armée de volontaires américains qui refusait de partir à la guerre et s'engageait dans l'aide aux pays sous développés. On parle aussi des Indiens et je lui demande où se trouve Chipayas. " C'est loin et il n'y a pas de route". En fait, à la saison des pluies, le lac inonde rapidement ses berges sur plusieurs dizaines de kilomètres ce qui efface tous les tracés  au sol. Des plaques de sel  peuvent céder par endroit et on s'enfonce, dans une boue noire profonde. Un chemin, une simple piste, contourne par le nord ces pièges mortels. Puis il nous amène chez sa logeuse qui fait de magnifiques tissages.

Après le repas, Kim nous fait monter en haut du mont en marchant sur des rochers de corail. A ce sommet, après le carnaval, les villageois immolent sept lamas au lever du jour, et font brûler les cœurs encore chaud. Il nous parle aussi du lac mystérieux et de la rivière d'eau fraîche qui prend sa source au bord des eaux salées. Son cours abondant disparait dans la pampa après quelques centaines de mètres et réapparait quelques kilomètres plus loin en une centaines de sources. On retraverse des lopins cultivés dans le creux des deux collines, où l'on aperçoit un vol de petits perroquets et des viscaches qui courent dans des herbes parfumées. Le soir on mange ensemble et nous dormons dans un grand lit. Nous y resterons  le lendemain dans le calme et le silence  pour nous réchauffer au soleil. Au matin Kim nous annonce qu'il ira à Aucumasi pour y apporter le bélier d'une nouvelle race, offert par " le contingent de la paix", afin d'améliorer la reproduction du mouton, assez rare dans cette région .

Au loin, vers  l' horizon rectiligne de ce plat  désert, une volute de poussière annonce l'arrivée d'un véhicule. C'est la camionnette avec le nouveau mâle qu'on doit amener chez Eleutorio. Bien tassés dans la cabine, la fraîcheur matinale est supportable. On peut admirer ce paysage lunaire. Vers onze heures on est au lieu dit. La piste s'arrête là. Ce ne sont que quelques parcelles cultivées,  cernées de murs bas  en  pierre, où une famille ramasse de petites pommes de terre. Ils nous en donneront une poignée. On voit au loin, trois maisons au toit de chaume, éparpillées dans le vallon. Nous suivons le chemin, indiqué par les paysans et rencontrons le destinataire de l'animal. Il n'a pas l'air décidé à payer sa part pour avoir le reproducteur et on laisse Kim résoudre ce dilemme. Nous revenons au bord de la piste avec l'espoir de trouver un véhicule pour rentrer. Rien ne se présente, pas un bruit. Le soir tombe . Il nous faut un abri pour la nuit et nous revenons sur nos pas. On aura un morceau de pain en échange des pommes de terre et deux couvertures pour dormir au sol .

Un café chaud sera le bienvenu pour repartir mais rien d'autre comme provision de route. On a toujours l'espoir d'entendre un moteur, ce n'est qu'une illusion, un mirage sonore. Il faut continuer à marcher. On passe un lac gelé et vers midi une halte s'impose. Le soleil nous fait du bien. C'est un gamin, aussi sur le chemin, qui nous conduira jusqu'à un champ de pomme de terre, "chacra", cultivé par ses parents. Là, nous aurons droit à un repas de "uatias", ces tubercules juste sortis du champ, cuits dans un trou, sur des braises de brindilles et recouverts de terre. Le soleil est encore haut mais nos ombres s'étirent à nos côtés. Enfin un camion s'annonce mais ne s'arrête pas. Il n'y a pas vraiment de piste sur ce sol nu, sans végétation, uniformément carrossable et le chauffeur n'a pas eu de mal, pour nous éviter, de loin. La nuit est là sur la gauche et à notre droite encore quelques lueurs du jour. Le ciel s'éclaire de mille brillances et enfin, prés de l'horizon,  des petites lumières nous indiquent notre destination finale, le hameau de Pampas Aullaguas.  On aura fait plus de quarante cinq kilomètres,  retrouvé nos sacs et croqué quelques unes de nos provisions, avant de s'endormir, tout de suite. 

Une journée de repos s'imposait. Pour continuer vers l'Ouest, on a cherché à connaître le meilleur itinéraire. En fait il n'y en avait pas, sinon cette piste qui allait dans cette direction sur une dizaine de kilomètres et qu'un camion empruntait,une fois par mois, pour charger du bois, un genre de garrigue arbustive. C'est ainsi que Kim a appris qu'un transport était prévu pour demain et il décida de nous accompagner. Pour lui aussi cette contrée était mystérieuse car il avait entendu plusieurs légendes sur cette communauté qui vivait isolée au delà de la "laguna de Coïpasa". Peu de contacts étaient établis avec ces Chipayas qui parlaient une autre langue, s'habillaient de vêtements sombres et faisaient des maisons rondes. On estimait avoir plusieurs journées de marche et il eut l'idée de se faire prêter une bicyclette pour assurer son retour. Les villageois nous ont donné quelques provisions, des pommes de terre gelées,"chuños", des fèves sèches, des grains de maïs et quelques morceaux viande salée. Avec un bidon d'eau nous étions prêts.

Au petit matin, quand le soleil n'a pas encore adouci les fortes gelées nocturnes, le camion est là . Nous chargeons nos sacs, la bicyclette et en route vers l'inconnu.  Deux heures plus tard, au milieu de nulle part, le chauffeur s'arrête et nous explique qu'il continuera sur la droite. Pour nous c'est en face avec le soleil dans le dos. Cette terre est immensément plate avec très peu de relief et seul une trace au sol laissée par une roue de vélo marque la marche à suivre.  Le décor est lunaire, minéral, avec très peu de végétation car de rares plantes résistent à ces extrêmes de températures entre le jour et de la nuit.  C'est une espèce de grosse mousse arrondie sortant de terre de loin en loin qui nous sert de siège pour nous ravitailler. Aucun bruit sinon des souffles de vent qui sifflent parfois sur des herbes jaunies. Nous reprenons la marche jusqu'au soir et il faut se préparer à passer la nuit à la belle étoile. D'abord avec la machette, creuser un orifice dans une bosse, au sol, et agrandir un peu l'intérieur. Faire une cueillette de brindilles et de morceaux de végétaux secs. Vu la rareté, cela prend du temps pour remplir le trou. Mettre le feu et avec la "quena"( flûte indienne), souffler sur les flammes. Puis sur les braises, on pose les "watillas"( petites pomme de terre rondes) et on referme avec de la terre le four.

Reste à préparer la"chambre à coucher". Comme toutes les nuits, à cette altitude, il va faire très froid et le sol sera glacé. Il nous faut un matelas végétal assez épais pour nous isoler du gel  et chacun part dans une direction pour ramasser de rares herbes sèches et d'autres buissons. Le tas est prêt et on y pose dessus nos sacs de couchage. Retour prés du four. On l'ouvre, c'est chaud. Les "patates" sont cuites. Le repas est prêt . On peut se blottir tous les trois sous les couvertures pour s'endormir tout de suite, tout habillés après un dernier regard vers la voute céleste illuminée de milliers d'étoiles. Au lever du jour, le ciel s'éteint et une boule rouge orangé apparait à l'horizon. De petits cristaux de glace scintillent sur le poncho du dessus mais dessous il ne fait pas froid. Première gymnastique pour étirer lentement bras et jambes et nous revoilà debout pour rempaqueter toutes nos affaires. Les sacs sont accrochés sur la bicyclette et nous reprenons la marche avec le soleil qui commence à nous réchauffer le dos. 

On avance dans le silence quand un bruit métallique nous fait tourner la tête. C'est un homme à bicyclette avec de grosses chaussettes qui s'arrête pour nous parler. Un chien l'accompagne. Cet homme parait heureux de notre rencontre, nous aussi car les humains sont rares dans cette région. Du coup il nous invite à passer chez lui et nous indique le chemin à suivre. C'est facile, il n'y a qu'une seule trace au sol. Encore une heure de marche et nous voyons au pied d'une dune, une maison en chaume avec un enclos en pierre circulaire. Le chien nous reconnaît de suite. Que fait-il là, cet ermite?  Son accueil restera inoubliable, magique. Il nous invite à nous asseoir tous les trois à une petite table faite en rondins de cactus. Le bois est percé d'alvéoles naturelles, dures et résistantes qui sont liées entre elles par un cordon de cuir. Les quatre pieds sont solides et il pose devant nous trois assiettes en terre cuite avec six petits œufs aux coquilles mouchetées. Il en prend un, le casse et avec une pincée de sel, l'avale. Nous faisons pareil avec délice. On aura aussi droit à un café et un morceau de galette de quinoa. Ce petit déjeuner fait partie de ces moments extraordinaires qui n'ont pas de prix, où l'on n'a pas besoin de parler, mais où l'on sait qu'on partage avec les yeux un vrai bonheur d'exister, ici et maintenant. Comment le remercier en reprenant le chemin? On ne parle pas la même langue mais le cœur y est. En fouillant dans mon sac je trouve ma réserve de tabac, deux paquets de cigarettes Sucrense. Je les lui offre. Son sourire me gratifie.

On repart avec une nouvelle énergie dans les jambes et notre ami nous montre le bras tendu vers l'Ouest la direction à suivre. Il prononce juste un mot Jajinilla. En début d’après midi on approche d'une maison qui semble habitée. Des enfants se cachent derriére un enclos circulaire et nous faisons une halte pour un repas frugal. La maman arrive et nous comprenons qu'elle est seule pour élever ses gosses. Nous ne pouvons que compatir et continuer la marche vers Aiparavi comme elle nous a dit. Encore quatre heures à pousser chacun à son tour la bicyclette avec nos bagages sur cette croûte de sel recouverte de poussière et au loin, proche d'une colline, on distingue quelques constructions étranges. Elles sont rondes et couvertes d'un toit identique, demi sphérique. Du jamais vu nulle part auparavant . Les quelques personnes qui vivent là ont toutes aussi des habits typiques, des ponchos en laine naturelle, sans aucune  couleur,  attachés à la ceinture, et les femmes ont sur la tête des dizaines de petites tresses qui tombent sur leurs épaules . Notre présence les intrigue et le dialogue est difficile. Nos quelques mots d'Aymara et de Quetchua restent incompris. Finalement un homme qui parle espagnol arrive et nous explique qu'étant l'autorité , il doit controler nos identités  car on l'a informé que des "guerrilleros" du Che cherchaient à fuir vers le Chili. Nous ce que nous voulons, c'est un endroit pour passer la nuit. On lui montre nos passeports et il nous conduit dans une case avec deux lits en terre battue couverts de peau de mouton. Ce sera deux pesos avec le café. On est d'accord.

Au réveil, une tâche de lumiére orange éclaire le mur en terre. Trois hommes en poncho identique et châpeau sont devant la porte et nous invitent à prendre un café. Entre eux ils parlent le Puquina mais celui qui parle espagnol nous demande où nous allons. "À Chipayas", cela à l'air de les rassurer et ils nous montrent la direction. On charge la bicyclette et nous leur disons au revoir. La piste est toute droite sauf lorsque nous contournons des plaques de sel, pour ne pas user les pneus. Dans une courbe on entend de l'eau qui coule. On s'approche de ce bruit étrange et près d'un fossé, au fond, nous voyons une rivière d'eau claire. Nous y allons faire un brin de toilette, elle est glacée, et c'est là que de loin en loin apparaissent des nids  avec des œufs, les mêmes qu'on nous a déjà offerts. Le mystère de leur origine est résolu. Nous comprendrons plus tard qu'ici, il y a beaucoup plus  d'oiseaux que d'êtres humains, surtout des flamants roses. Encore quelques heures de marche et nous voilà devant un village de petites tours rondes. Nous sommes enfin à destination.                                         

 

 

 

   

 

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18 janvier 2025 6 18 /01 /janvier /2025 19:54

Tous les jours, des camions chargés de marchandises et de "campesinos"arrivent là pour commercialiser leurs productions agricoles. Tout converge là, à toutes heures, des hautes terres de l'Altiplano aux basses vallées, les Yungas. Cette capitale de La Bolivie est plus haute du monde, située entre 4100 et 3300 mètres d'altitude. A l'image du pays, séparé entre le haut et le bas, cette grande agglomération reste en partie occupée par les Indiens, dans la périphérie proche de l'aéroport, et les métis dans la zone Ouest dont la principale voie de communication continue vers la jungle de Santa Cruz et le Brésil. Les "campesinos" de l'Altiplano et des autres vallées de Andes remplissent les rues, trottoirs et places du Centre pour y créer un marché, du producteur au consommateur, tous les jours de la semaine, en étalant au sol, sur un tissu, leurs produits agricoles ou artisanaux. Autrefois ils vivaient essentiellement de troc, d'échanges, mais aujourd'hui il leur faut de l'argent, ne serait ce que pour payer la facture d'électricité.

Cependant, bien que venant de communautés parfois lointaines et différentes, ils mettent tous en pratique la formule " le temps c'est de l'argent" à l'envers. Le temps leur appartient et ils le gèrent comme leurs ancêtres le faisaient. Un touriste américain, en ballade, s'intéressa à une vendeuse à grosses tresses noires, assise sur le trottoir, qui avait devant elle, cinq petites figurines sculptées. Comme toujours dans ces cas là, il demanda le prix. "Trop cher!". Il fit une offre pour la moitié. Elle accepta. "Ok, je prends les cinq". " C'est impossible! Señor car je n'aurai rien à vendre demain." Il est reparti en maugréant sur la bêtise et l'ignorance des Indiens.

Les grandes villes ont toujours été pour nous l'occasion de passer au Consulat de France pour y récupérer le courrier qu'on nous envoyait en poste restante. C'est le directeur de l'Alliance Française qui nous invita à rester chez lui. Cela m'a permis de faire quelques photos et d'apprendre qu'un grand pèlerinage se préparait pour Copacabana, cette montagne sacrée qui domine le lac Titicaca. C'est l'occasion de reprendre la route vers le Nord. En quelques jours d' étapes, toujours rythmées par la recherche d'un bivouac et d'un repas, nous arrivons au pied du sanctuaire.  Il ne reste plus qu'à l'escalader. D'en haut, je ferai une pellicule pour mieux spécifier cet endroit magique où les croyances et les pratiques religieuses se mélangent et se bousculent, sans inimitiés ni prosélytisme.

De ces hauteurs, à l'horizon d'autres chaînes de montagne enneigées, de plus de six mille mètres d'altitude, le début de la Forêt Vierge qui continue jusqu'à l'Amazonie brésilienne. Nous avons repris la marche sur l'axe routier vers Sorata. Au hasard des transports, en camion ou autobus, mais toujours  comme "andarinos" ou" mochileros" sans le sous, on arrive dans cette "capitale" de la province de Larecaja ,au pied du pic Ancohuma,vers les 14 heures, le 31 Janvier. Le chauffeur, sacerdoce, nous arrête sur la place aux palmiers, il est américain. J'en profite pour aller au bureau de la police urbaine  m'informer si un camion passera pour Tacacoma. En l'attendant je reviens vers la "maison de la paroisse", la "Casa paroquial". Il est là et nous montre une grande carte. Il nous donne aussi beaucoup d'explications sur un ancien chemin vers l'or des Incas. Très peu l'ont pratiqué et il  reste méconnu.

Changement de programme, on ira vers Ancoma. Demain matin, il y aura un camion. On dort au presbytère, par terre, comme toujours, dans notre sac de couchage matrimonial. Au lever du jour, après un café, du pain et des biscuits  on va au poste de police .Le gradé nous trouve le camion qui va monter vers le col. La piste est mauvaise, boueuse, il fait froid et je dois aider l'assistant à  mettre des chaînes. Vers 13 heures, le véhicule s'arrête et le chauffeur nous montre sur la droite  le départ d'un chemin, celui  qui passe le col de l'Ancohuma au pied des neiges éternelles. On entreprend l'escalade en montant toujours plus haut. Un brouillard humide rend les pierres glissantes et le sentier devient blanc. En sueur nous commençons à descendre, nous  franchissons la cordillère. Plus bas, sur les pentes un peu plus vertes et dégagées on voit quelques chevaux , des moutons aussi. Le ruisseau sur notre gauche devient plus abondant et vers les 16 heures, nous approchons de quelques maisons de pierre et de chaume, c'est Ancoma. Dans une cour, un petit homme, bossu, travaille consciencieusement son métier à tisser. Je le prends en photo et il nous invite à boire un café chaud. A la veillée, deux autres métis se joignent à nous pour réciter des prières.  Nous passerons la nuit là.

Au matin, il pleuvait. Après une soupe de pomme de terre et un café, nous avons repris la marche avec le poncho et  nos sacs pour les protéger. Direction Lambramani, nous a t'il dit, en nous donnant quelques "chuños". En fait cette destination n'était qu'un lieu-dit. Le chemin continuait à mi-pente et le torrent en bas était plus abondant. La végétation commençait à verdir et prendre de la hauteur. Les pierres plates, posées de loin en loin au sol, marquaient bien le chemin à suivre. Sans avoir rencontré personne, en fin d'après midi, j'ai pu installer le bivouac la pluie s"étant arrêtée. J'avais noté un autre lieu, Ramusani, Vaynapata. Deux jours de marche sans rien rencontrer, sinon un décors de plus en plus luxuriant, avec des papillons, des oiseaux, toutes sortes d'insectes et peu de serpents.

Au quatrième jour, un terrain plus dégagé sur la gauche laisse entrevoir une chaumière. Nous y allons. Un gosse apparait avec un pied malade, bandé, quelques poules et un cochon, puis un adulte avec un goitre . On se serre la main, ou plutôt on s’effleure les doigts comme font les indiens, et il nous dit que "l'autorité" est à la maison plus bas, prés de la cascade. On y descend, personne. C'est l'occasion de prendre un bon bain dans l'eau froide et pure. On remonte et ils nous offrent des bananes et du "choclo". On reprend des forces et on nous explique que le chemin jusqu'à l'or est long et dangereux. Il y a eu même un mort. On n'a pas le choix, il faut continuer.

Le réveil est laborieux sur cette paillasse confortable offerte et aux premiéres lueurs c'est le rituel de l'empaquetage de nos sacs. Puis les chaussures, et c'est reparti: le chemin, la boue, les pierres luisantes, rendues glissantes par la pluie, les descentes dangereuses et les montées épuisantes. La traversée de torrents adjacents à la vallée, sur un tronc d'arbres, en équilibre, et celles plus impressionnantes de "maromas", ces trois câbles de lianes  tendues au dessus du torrent dont le plus bas sert à marcher et les deux autres pour s'agripper les mains, est toujours périlleuse, mais nous y arrivons avec précaution. En fin de journée, on bivouaque sous un abri genre grotte, pour se sécher et se restaurer quelques pomme de terre, des maïs et fèves séchées. Le sommeil est léger, que d'un œil, car d'autres animaux vivent aussi dans le secteur. J'ai toujours ma machette à portée de main.

On a peu dormi et des courbatures gênent notre repos. C'est laborieux pour se remettre en route. Après deux bananes et l'eau d'un ruisseau, comme petit déjeuner, nous reprenons la marche. Rien d'autre à faire que d'avancer. Heureusement nous sommes deux qui ne faisons qu'un, cela stimule. La végétation est plus dense et les arbres beaucoup plus hauts. On s'enfonce dans la jungle et les moustiques, surtout des petits, n'arrêtent pas de me piquer. Avec un morceau de tulle, je me fais un masque fixé sur mon chapeau. J'y vois moins bien mais je n'ai plus à me gratter le visage sans cesse. Où sommes nous? En début d'après midi, en contre-bas,une maison apparait enfin. "A Choisi !" nous dira une femme corpulente, venue à notre rencontre.

Elle a de suite compris que nous étions épuisés, surtout "la pobre señora", Elle nous ravitaille  et nous invite à nous reposer. On y restera toute la journée suivante. En parlant, nous apprenons qu'elle s'appelle " Doña del Vilar et a connu, ici, un autre marcheur qui était lui, en bien plus piteux état. Elle l'a retapé, en une semaine, et il est reparti. Elle n'avait toujours pas compris, pourquoi, son hôte avait absolument tenu à lui payer son séjour. Elle apprendra plus tard qu'il s'agissait de Régis Debray, le fameux français qui avait tenté de rencontrer Che Guevara, dans les parages. Son jardin, sa "chacra" de deux hectares, était une merveille de bio diversité, disons climatique. En haut des fèves et des petites pomme de terre roses, en bas du café, du cacao et des bananes.

Nous voilà, au matin, de nouveau en marche pour reprendre le chemin. On avance pas à pas au milieu des fougères arborescentes, parfois un coup de machette pour y voir plus clair. Il fait chaud. Le sol est boueux et moins praticable. Des traces de sabots ont crée des flaques qu'il vaut mieux éviter. Lorsque ça monte, pour traverser un torrent au plus étroit d'une vallée adjacente, sur la droite, les mules ont marqué une sorte d'escalier qu'il faut bien utiliser malgré la hauteur de certaines marches. Nous sommes trempés de sueur, et en traversant un cours d'eau froide, pieds nus, pantalons retroussés, ma compagne est prise d'un malaise, une paralysie soudaine. Je la charge sur mon dos pour passer de l'autre côté. Allongée au sol, je tente de lui réchauffer les jambes. Peut-être ne pourrons-nous pas aller plus loin?

Je retraverse pour rassembler nos sacs et on contemple le paysage. On se pose. Sur cette hauteur la vue est magnifique. Tout en bas, loin, la forêt amazonienne. En haut, à l'horizon, les pics enneigés de la cordillère. L'air est pur et son oxygène nous remet debout, pour redescendre cette fois. La vallée du Tipuani s'élargit et les vallons de chaque côté aussi. A mi pente, le chemin se divise en deux. Je prends celui de gauche, l'autre était marqué par des sabots. Et nous voilà devant un autre torrent mais cette fois, nous avons devant nous une "marona" d'un  nouveau type: deux cordes, une en liane et l'autre en acier, d'une trentaine de mètres,  soutiennent une caisse, accrochée avec deux poulies, suspendue au dessus du vide.  Faut y passer. Je m' assoie dans la boîte en planche. Ça a l'air solide, et empoignant la corde, j'avance sans regarder en bas. J'arrive sur l'autre rive et y pose mon sac. Maintenant, c'est le tour de mon amie. Elle récupère la caisse, finit par s'y installer, et c'est parti. Nous voilà de nouveau ensemble pour continuer.  

On retrouve le chemin et celui aussi des muletiers . Pour la premiére fois, un convoi nous dépasse. Les quatre bêtes de somme, lourdement chargées, sont poussées par deux hommes, avec des fouets, pressés. Ils ne sont pas très loquace mais nous disent que la prochaine étape est encore loin, c'est Llipi. A la tombée du jour, deux baraquements au toit en zinc nous indiquent que nous sommes arrivés. Un viel homme, devant sa porte, nous propose un verre d'alcool. Je le bois d'un trait et nous entrons. Pour deux pesos, nous aurons des omelettes et des peaux de mouton pour dormir, bien. Le lendemain il pleut. Après un café et un morceau de pain rassis, offert par les muletiers, on repart, abrités sous nos ponchos de toile imperméable, qui dégoulinent d'eau, entravant la marche. Le campement des chercheurs d'or est là-bas, à peine visible au fond de la vallée couverte de jungle.

La descente est périlleuse, glissante, et sa chaussure n'ayant plus de talon, ma compagne tombe plusieurs fois. Le moral est au plus bas, mais on se soutient pour avancer quand même. Faut arriver à Ununtulini. On sera sauver. Quelques maisons en terre avec des toits en tôle à moitié rouillée, nous signalent un lieu habité. Ce sera la derniére halte avant d'atteindre les bords du Tipuani où les mineurs creusent le rio, maintenant un large cours d'eau, au courant tumultueux. Il y a bientôt dix jours, nous étions à sa source au pied de l'Ancohuma. Un dernier pont suspendu où de l'autre côté un gardien nous demandera de payer un droit de passage. Il n'insiste pas, on n'a pas d'argent à donner. Le chemin est plus large et, en fin de matinée, dans un virage, je vois enfin le village des orpailleurs.  Je fais une photo. Nous posons nos sacs au milieu de la place et des enfants viennent nous parler, nous interroger. D'où venons nous ? Qui sommes nous?

Le dialogue s'établit avec d'autres adultes et, au récit de notre périple, ils nous invitent chez eux, à leur  table. Un vrai repas que nous n'avions pas connu depuis Sorata. Il semblerait que toute la population soit au courant de notre présence et ils sont nombreux, à la porte et à la fenêtre, à écouter notre histoire. Le probléme est que d'autres aussi veulent nous inviter à manger chez eux. Difficile de refuser, même si nos estomacs ne sont plus habitués à autant d'abondance. On essaye de limiter les dégâts d'une indigestion et nous demandons un endroit pour nous reposer. Nous obtenons une petite pièce, aux murs faits de bambous et de branches, avec un toit en plastique noir. On est chez nous et ils nous garantissent qu'on y sera tranquille. Une ouverture donne sur la place en contre bas et on y pose un rideau avec un hamac.

De ce poste d'observation on peut voir comment fonctionne cette communauté qui s'agite nuit et jour. Les équipes de mineur, par groupe de six ou sept, se relayent toutes les cinq heures pour descendre dans le puits creusé sur la berge. Je décide de faire un reportage et, durant plus d'une semaine, je découvre tous les aspects  de leurs activités. Ces photos seront publiées plus tard, à Paris, dans des agences de presse. C'est là que, pour la premiére et unique fois de ma vie, nous allons acheter du papier hygiénique, du dentifrice, des cigarettes et tous nos besoins, avec des pépites.  Au hasard des rencontres, sur la place ou prés du cours d'eau, les habitants nous ont donné quelques grammes d'or. Ils savaient que cela était indispensable car ici l'argent, les billets n'existaient pas. Chaque commerçant avait sur son étal, autour du centre, une petite balance trabuchet. Une fois notre article choisi, il y mettait une tare, un petit caillou, une graine ou une vis, qui correspondait à la valeur de l'article. Il ne restait plus qu'à déposer notre or sur l'autre coupelle  pour atteindre l'équilibre et avoir notre achat.

Après plus de dix jours dans ce village pris à la forêt, après avoir côtoyés tous les habitants, de l'administrateur aux administrés, des enfants et leurs parents, et discuté de la mine et du fonctionnement de la coopérative, j'avais épuisé mon rouleau de pellicule. Il fallait penser à aller ailleurs. Aucun véhicule automobile n'arrivait là. La sortie devait se faire en canoé en descendant le courant. Une après midi, une embarcation à moteur est apparue sur la berge avec trois hommes qui ont déchargé une pompe. Ils repartiraient le lendemain et nous ont proposé de les accompagner. Ce rio Tipuani est très capricieux et mouvementé, selon l'intensité des pluies presque quotidiennes qui arrosent la forêt vierge. Nous étions calés au milieu de la pirogue et le courant irrégulier nous engageait parfois dans des rapides où d'énormes rochers semblaient nous barrer la navigation. Des tourbillons pouvaient nous immobiliser et plusieurs fois des paquets d'eau nous faisaient penser au naufrage. On a tenu bon, jusqu'à Puerto Ballivian, grâce à l'habileté du pilote, habitué à ce genre d'épreuves sportives. Dire que certains payent, dans les Pyrénées aujourd'hui, pour ce genre d'émotion... Cela me paraît incompréhensible. Après quelques heures de navigation, nous avons trouvé une piste carrossable  pour continuer la route.

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13 janvier 2025 1 13 /01 /janvier /2025 13:01

 

LES ANDES

 

Les premiéres heures dans ces hautes montagnes nous ont fait connaître le mal être du à l'altitude, au manque d’oxygène, le "soroche". Le camionneur nous a donné quelques feuilles de coca pour les mâcher et nous avons pu marcher, sans tituber, sur ce "toit du monde", le territoire des Incas, Quetchas et Aymaras. On était de nouveau bien, debout, léger bien qu'un peu essoufflé. Et le spectacle grandiose, un condor nous a survolé, quelle augure!

 

Comme l'a bien écrit L'Ècho du Sud "Les Quechua, souvent méconnus et pourtant si essentiels à l'histoire des Andes, sont les héritiers directs de la riche culture inca. Pourtant, leur histoire ne commence pas avec l'Empire inca, ni ne s'arrête à sa chute. Les Quechua sont bien plus qu'un simple vestige du passé incaïque; ils constituent une mosaïque vivante de traditions, de langues et de modes de vie qui se sont adaptés et ont prospéré à travers les siècles, malgré les bouleversements historiques.

 

Avant l'ascension de l'Empire inca, les ancêtres des Quechua peuplaient déjà les Andes, développant des sociétés agricoles robustes. Leur maîtrise de l'agriculture en terrasses et des systèmes d'irrigation témoignait d'une adaptation ingénieuse à un environnement montagneux rigoureux. Ils cultivaient principalement la pomme de terre, le maïs et le quinoa, des cultures encore centrales dans leur alimentation aujourd'hui. L'agriculture était le cœur battant de leur mode de vie, soutenue par des cycles de plantation et de récolte profondément ancrés dans les cycles naturels et les pratiques rituelles.

Les Quechua se distinguent par leur langue, le quechua, une langue encore vivante parlée par des millions de personnes à travers les Andes. Le quechua n'était pas seulement une langue véhiculaire de l'Empire inca, mais il est devenu, au fil des siècles, un lien culturel entre les différentes communautés andines. Les expressions, les chansons et les contes oraux en quechua continuent de transmettre des savoirs ancestraux et des valeurs communautaires. Cette langue a survécu malgré les efforts de colonisation pour l'éradiquer, et elle est aujourd'hui reconnue comme l'une des langues officielles au Pérou et en Bolivie, un témoignage de sa résilience et de son importance culturelle.

La spiritualité et les croyances des Quechua sont profondément enracinées dans leur relation avec la terre et les éléments naturels. La Pachamama, ou Terre-Mère, occupe une place centrale dans leur cosmologie. Elle est vénérée et célébrée lors de nombreuses fêtes et rituels, où des offrandes de feuilles de coca, de maïs et de chicha (une boisson fermentée traditionnelle) sont faites pour assurer des récoltes abondantes et la protection des communautés. Les montagnes, ou apus, sont également considérées comme des esprits protecteurs, et des cérémonies sont souvent tenues pour leur rendre hommage et solliciter leur aide.

Les traditions artisanales quechua sont une autre facette essentielle de leur culture. Les textiles quechua, connus pour leurs motifs complexes et leurs couleurs vives, sont plus que de simples objets utilitaires; ils racontent des histoires, symbolisent des croyances et marquent les cycles de la vie. Les techniques de tissage, transmises de génération en génération, nécessitent une habileté remarquable et un œil artistique aiguisé. Chaque motif et chaque couleur a une signification particulière, souvent liée à la nature, aux animaux ou aux mythes anciens.

Les Quechua ont également une riche tradition musicale et de danse, intégrée à leurs cérémonies religieuses et leurs fêtes communautaires. La musique, jouée sur des instruments traditionnels comme la quena (flûte) et le charango (petite guitare andine), accompagne souvent les danses qui reconstituent des scènes de la vie quotidienne ou des événements historiques. Ces manifestations artistiques servent non seulement de divertissement, mais aussi de moyens d'enseignement et de préservation de l'histoire et des valeurs culturelles.

La vie communautaire chez les Quechua est régie par des principes de solidarité et de réciprocité, connus sous le nom d'ayni. Ce système de coopération mutuelle est essentiel dans les travaux agricoles, les constructions et les événements sociaux, garantissant que chacun reçoit l'aide nécessaire en échange de sa propre contribution. Cette interconnexion sociale renforce les liens communautaires et assure une résilience collective face aux défis économiques et environnementaux.

Aujourd'hui, les Quechua continuent de faire face à de nombreux défis, notamment l'urbanisation, la migration et les pressions économiques qui menacent leur mode de vie traditionnel. Cependant, ils montrent une capacité remarquable à s'adapter tout en préservant leurs identités culturelles. De nombreux Quechua sont impliqués dans des mouvements pour la reconnaissance de leurs droits territoriaux et culturels, cherchant à maintenir un équilibre entre modernité et tradition.

Les Quechua sont bien plus que les gardiens de l'héritage inca. Ils sont un peuple vivant, dynamique, dont les traditions anciennes continuent de s'épanouir et de s'adapter aux temps modernes. Leurs contributions culturelles, linguistiques et agricoles enrichissent non seulement les Andes, mais aussi le patrimoine mondial. Les Quechua illustrent la force et la vitalité d'une culture qui a su traverser les âges, portant avec elle les échos d'un passé glorieux et les promesses d'un avenir résilient."

C'est ce que j'ai recherché à illustrer, à révéler par des images, en choisissant d'aller à leur rencontre en quittant les routes goudronnées et suivre des chemins qui nous ont conduits dans des communautés dont certaines vivaient encore en autarcie, comme avant la conquête des "consquitadors" espagnols. Le point de départ était le marché,d'un village ou petite ville, où nous faisions escale, pour nous approcher d'indiens en tenue traditionnelle. Nous obtenions des noms de lieu et des informations sur l'itinéraire pour y accéder ensuite.                                                                                                                                                              J'avais toujours gardé les dix pellicules Ilford HP, achetées avant mon départ du Luxembourg, et j'ai chargé mon Nikon pour commencer à photographier cette Amérique du Sud qui nous ouvrait les bras. La manifestation religieuse du "Seigneur des Miracles", comme il est dit dans l'histoire officielle, fut mon premier reportage. Elle a lieu tous les ans dans la capitale, à la date anniversaire : "Le 13 novembre 1655, à 14h45 survint un terrible séisme à Lima et au Callao,  effondrant des églises, enterrant des demeures en laissant des milliers de morts et sinistrés. Toutes les parois de la confrérie se sont effondrées, sauf la faible paroi d'adobe sur laquelle se trouvait l'image de Jésus. L'image est restée intacte, sans aucune fissure." .                                                                                                                                                                        

Cet événement fut une révélation, vu son ampleur, pour prendre conscience, à quel point, la religion catholique avait imprégné la culture, le mysticisme dans ce pays et asphyxié les croyances et les valeurs morales, existentielles, de tout un peuple qui était là depuis des milliers d'années.

J'ai pu faire une pellicule de cette ferveur religieuse de toute une population, en proie à la dévotion du Christ crucifié, avec une série de portraits,  durant cette longue procession qui défilait devant moi. Je ne peux en dire plus car mes photos sont plus explicites, je crois. J'avais conclu avec un patron de presse allemand, rencontré à Mexico, de lui envoyer par courrier spécial mes négatifs. Je les ai retrouvés trois ans plus tard, développés avec une planche contacts, pour les publier à Paris.

 

Entre Huancoyo et Ayacucho, partant d'un petit marché en bord de route, nous sommes montés vers un village, en fête, où des indiens célébraient l'élection d'un nouveau chef. Avec leurs ponchos multicolores, leurs instruments de musique traditionnels et de gros coquillages qui leurs servaient de trompe, j'ai décidé d'utiliser la seule pellicule couleur que j'avais. Leurs portraits sont exposés aujourd'hui dans une galerie gersoise.  De nouveau sur le trajet vers Cuzco, nous sommes passés par Chinchero où des cinéastes américains tournaient un film avec Denis Hooper, une star d'Hollywood. Nous nous sommes juste dit bonjour et avons continué notre chemin, sac au dos. Puis les ruines monumentales de Sacsayhuaman  et de Machu Pichu nous ont inspirés pour y rester plusieurs jours. Le gardien nous donna un coin de sa cabane pour étaler nos sacs de couchage. Vivre dans ces ruines jour et nuit donnait une autre dimension à la civilisation Inca: une force, une énergie vitale qui était bien présente et facile à assimiler avec toutes ces énormes pierres si soigneusement posées là.

 

Passée la frontière Pérou-Bolivie, à Desaguadero nous avons abordé en une journée de marche le long d'une piste cahoteuse, reliant les deux pays andins. Le petit village de Tiahuanaco dont le nom est devenu célèbre depuis qu'il s'affiche au sommaire de nombreuses revues spécialisées aussi bien dans l'archéologie que dans la science-fiction.

 

A plus de 4000 mètres d'altitude, sur une plaine rase et dénudée tantôt brûlée de soleil, tantôt glacée par les ténèbres, où la végétation comme les hommes, a du mal à s'adapter à des conditions de vie aussi rigoureuses, s'éparpillent les ruines d'une cité dont la taille des monuments et les murs d'enceinte encore debout malgré les âges et les pillages successifs, indiquent aux touristes et aux voyageurs, les anciennes splendeurs d'une civilisation aujourd’hui semble-t-il, disparue. Malgré le manque d'hospitalité du village aligné en masures de briques crues sur les bords de la grand-route où quelques camions passent sans ralentir, nous avons décidé d'y trouver refuge, afin de côtoyer de plus près ces pierres dont le mystère émoustille tant d'historiens.

 

Notre première préoccupation fut la recherche d'un abri pour passer la nuit et nous remettre des fatigues d’une longue journée de marche. Une rapide reconnaissance des lieux nous amena à la «casa paroquial» où généralement, en plus du toit, nous trouvions des interprètes très documentés sur les coutumes de la contrée.

 

Ces missionnaires d'origine espagnole avaient pris l'habitude de servir d'agence touristique aux égarés de grands chemins, leur accueil fut très chaleureux ; au moins une fois par trimestre, des «aventuriers» venaient  frapper à leur porte et demander asile. Pour eux comme pour nous, ce fut l'occasion de vérifier une fois encore que l'aventure et la foi peuvent faire bon ménage. Le gîte et le couvert assurés, nous pouvions tout à loisir errer dans la «puna». Les ruines étaient le lieu de ballade. De la Porte du Soleil à l'Acapana du Castillo, aux énormes blocs de trachyte de Puma Punku à quelques kilomètres de là, aucune découverte fulgurante ne vint éclairer le mystère. Rien ne répondit à l'énigme: quelle sorte d'hommes et de femmes ont dressé ces pierres et pourquoi ?                                                                                                                                            Sur ce site, nous avions ramassé de des petits morceaux de céramique. En rentrant dans notre «paroisse», j' exhibais une partie de notre cueillette au père Jimmy. Pour lui, ces pièces n'avaient pas de grande valeur mais elles permirent d'amorcer une discussion sur les techniques de la poterie chez les Incas et dans les communautés  avoisinantes. Ce fut le point de départ d'une nouvelle "expédition» qui allait nous conduire assez loin dans le temps : chez un céramiste de l'ère Tiahuaoacote, celle d'avant la conquête. Dans la cour de la maison paroissiale, un groupe de «campesinos», vêtus de ponchos et de lainages colorés, filaient à la quenouille et attendaient les cours d'éducation religieuse,  avant de rejoindre leurs communautés, disséminées dans les environs sur un rayon de 50 kilomètres. Ces catéchumènes nous offraient l'occasion de faire plus ample connaissance avec les autochtones.

 

Après les cours d'évangélisation, réunis autour de la même table, ils firent parler leur «quena» et dansèrent par petits groupes, martelant le sol à petits pas, au rythme de cet instrument à vent. Les "conteurs• terminèrent la soirée, et, avec l'aide du père Jimmy, des liens d'amitié s'établirent avec le chef d'une petite communauté, située de l'autre côté de la chaîne de montagnes qui entoure le plateau. Il nous invita chez lui. Il regagnait son village le lendemain et nous décidâmes de te suivre. Il vivait en territoire Machaca, dans un coin assez reculé, près des ruines de Huancané pratiquement inexplorées.

 

Cette communauté, satellite de l'ancienne Tiahuanaco s'étendait  sur une vaste contrée, allant des bords du lac Titicaca aux confins des hautes cimes qui marquent la frontière avec le Chili. Tôt le matin, un peu avant l'apparition du jour, alors que les premiers rayons du soleil n'avaient pas encore dissipé le froid nocturne, tout le personnel de la paroisse était sur pied pour attendre au bord de la «nationale» l'arrivée du bus. Nous devions revenir sur nos pas une quarantaine de kilomètres, afin de franchir, au plus près des berges du grand lac, la chaîne de montagnes. Le véhicule lourdement chargé s'enfonçait parfois jusqu'aux essieux dans la boue des ornières de cette mauvaise piste peu entretenue. Les passagers, vêtus de laines multicolores, tissées à la main, assis sur leurs baluchons, s'entassaient jusque sur le toit de la guimbarde, parmi les paniers et les animaux domestiques, tous fortement secoués par les soubresauts du véhicule. Souvent l'engin s'arrêtait pour laisser descendre un petit groupe de passagers à quelques lieues de leur demeure.

 

En début d'après-midi, après plusieurs heures de route, nous abordâmes Jésus de Machaca, dernier village où s'arrêtent les engins motorisés. Là, notre guide avait dissimulé sa bicyclette derrière les portes de la petite chapelle. Il ne pouvait nous accompagner à pied car on l'attendait à Liki-Liki, sa communauté, pour chanter et réciter des prières . Avant de nous quitter, il nous indiqua le chemin à suivre. Il fallait prendre tout droit le profil des montagnes et, passé le quatrième «rio», tourner sur la gauche, dans le sentier qui menait directement chez lui. Il prit une partie de nos bagages sur sa bicyclette et enfourcha sa monture.

 

Après un bon casse-croûte de graines de mais et de pommes de terre gelées «chunhos», nous étions prêts, nous aussi, à rejoindre Liki-Liki, distant de quatre «leguas» (une vingtaine de kilomètres). Juste à la sortie du village, un individu qui se signalait par l'importance de son estomac et son habillement de «métis civilisé» nous interpela. Il voulait voir nos passeports car il était "l'autorité» du village et devait contrôler les étrangers. Des consignes spéciales lui avaient été données pour empêcher la fuite par le désert de "guerrilleros" vers le Chili. Il nous fit rentrer dans sa masure ou divers calendriers et la photo sous-verre du président Ovando accrochée au mur, donnaient l'aspect d'un bureau officiel. Sur une table bancale, trainaient quelques imprimés et des tampons couverts de poussière. Avec une attention manifestement incompétente, il tourna les feuillets couverts de visas de nos passeports. Il essaya de placer une remarque perspicace sur le nombre des pays parcourus et finalement releva la tête pour clamer haut et fort le fruit de son examen : «Américains, vous devez payer dix pesos!" Autrement dit, il nous fallait lui verser de l'argent, si nous voulions avoir droit de passage et sortir de ces tristes locaux. Ma réponse ne se fit pas attendre :" pas de pessos, rien. jamais" même s'il nous gardait des semaines sur ses chaises. Devant notre détermination, il baissa la somme de moitié, mais ce marchandage m'incita davantage à ne pas céder. Après quelques palabres et un timide sourire, il nous restitua nos passeports. Nous pouvions enfin entamer notre marche vers Liki-Liki où notre ami devait déjà être en train de chanter les nouvelles prières apprises la veille.

 

Notre randonnée fut une agréable promenade. La pureté de l'atmosphère et la brillance du ciel rendaient notre marche aisée, presque euphorique, dans ce monde désolé et sans artifices, ouvert à l'espace. Les chinchillas et les viscaches faisaient des apparitions furtives, avant de disparaître derrière les pierres ; au loin des bandes de vigognes dont l'élégante silhouette se découpait sur la ligne dansante de l'horizon, semblaient en suspension dans l'air. Un peu avant la tombée de la nuit, nous avions franchi la quatrième rivière qui alimentait en eau courante toute la communauté où nous devions séjourner.

 

La famille de notre hôte nous attendait devant la porte de leur modeste demeure et vint nous souhaiter la bienvenue. Il m'est toujours difficile d'évoquer, en quelques phrases, les conditions d'hospitalité en vigueur dans ces pays, pour ceux qui n'ont pas vécu une telle expérience. Les termes à employer ici perdent leur sens ou peuvent paraître démesurés. J'avoue mon incompétence à faire partager mes sentiments et les moments que nous avons passés parmi ces gens dont on rabâche la misère et le dénuement.

 

Le lendemain, nous avons travaillé sur la «chacra» (le jardin), soigné comme un nouveau né, chaque pied de fève, de pomme de terre et partagé encore et encore tous les moments de ces journées sans horloge, seulement rythmées par la marche de l'astre solaire. Pour nous, pour eux, tout est possible, qu'il s'agisse de déplacer un bloc de pierre de plusieurs tonnes ou de faire cuire des poteries sur un terrain où il n'y a pas d'arbres, que de la rocaille et des croûtes de sel. Le mystère même de leur survie, plutôt que de leur vie, restera toujours une impénétrable énigme pour ceux qui ne comprendront pas qu'il est possible de cultiver son jardin même à 4000 mètres d'altitude  et de communier à chaque moment avec la "Pachamama», notre mère, la terre, l'univers, pour qu'elle nous donne son énergie.

 

Parmi les chaumières avoisinantes, nos hôtes nous signalèrent l'atelier du potier , monsieur Choqué. Il travaillait selon des techniques transmises de père en fils, et reproduisait avec une étonnante fidélité, les objets en terre cuite retrouvés lors de fouilles archéologiques, sur le site de Tiahuanaco. Aussi, puisque les originaux ont les honneurs des musées, les «copies» de Choqué sont pour les marchands peu scrupuleux, tout à fait dignes d'un commerce international. Cette mine de dollars fut découverte il y a quelques années par un touriste des États-Unis et depuis, E. Choqué alimentait cette contrebande.Mais c'est le procédé de fabrication de la poterie inca qui m'intéressait avant tout. Un tour rudimentaire, mais efficace, composé d'une lourde pierre plate, percée en son entre,  était le principal outil de notre potier. C'est là que la terre ramassée dans les environs prenait la forme si particulière des poteries de Tiahuanaco. Le travail de préparation de cette terre était des plus simples, l'important étant son élasticité.

La première singularité de son travail tenait en la préparation des couleurs et du décor. Les outils  employés demeuraient typiquement Aymaras. D'abord, un espèce de pilon, constitué par un gros bloc de granit,arrondi sur les angles, posé sur socle creux d'une autre pierre plate, lui permettait de broyer des morceaux de minerai brut. Ce lourd pilon s'actionnait sans efforts d'une seule main. Réduites en poudre, "ces pierres de couleur", trouvées dans les montagnes, lui servaient à colorer ses pots. Malgré mes questions pour en connaître le nom exact, j'ai dû me satisfaire de la dénomination portée sur chacune en fonction de leur aspect. Il disposait de cinq poudres différentes : blanc, noir, marron, orange, jaune ; lorsque la pièce tournée était sèche, il humectait légèrement la surface extérieure pour la polir soigneusement avec un galet très lisse. Ensuite, il procédait à la décoration des motifs qu'il gravait en bas-relief avec un morceau de bois.

 

L'inspiration de ses dessins venait de sculptures qui couvraient, sur toutes leurs faces des monolithes de 5 à 6 mètres de long, épars sur le tumulus de Huancané à quelques kilomètres de là. Il trouvait dans ces reliefs, datant des anciens habitants de Tiahuanaco, le style des motifs, condors, serpents et autres personnages fabuleux de l'Altiplano, dont il ornait ses pots. Les surfaces étaient ensuite peintes avec les poudres qu'il diluait dans l'eau avant de les passer au four. Le procédé de cuisson est particulièrement original et judicieux sur cette terre où le bois, rarissime, ne permet pas d'alimenter un grand foyer. C'est avec des bouses de ruminants  que le feu est amorcé. Il est ensuite entretenu avec des excréments de lama et de mouton que l'apprenti,  jette dans les flammes, pendant cinq heures, à une cadence régulière. L'art de cette cuisson consiste à doser intuitivement la poignée d'excréments qui permettra progressivement de porter à 750 degrés environ, la température du four, moitié enfoui sous terre pour mieux garder la chaleur. Ce travail terminé les pièces sont prêtes. Elles attendent, sur des étagères ou à quelques centimètres sous terre, pour être patinées et vieillies, l'arrivée de l'«américano» qui viendra chercher sa marchandise.                                Elles sonneront comme du cristal lorsqu'on les fera tinter d'une chiquenaude, comme des originaux authentiques ; un peu moins clair toutefois si on les enterre.  Mais même s'il est devenu, «grâce à» notre civilisation, fournisseur de poteries pré incaique pour des  collectionneurs occidentaux,  monsieur Choqué reste le potier de LikiLiki et de ses habitants, qui chaque jour, mangent leur soupe de pommes de terre dans ses bols et assiettes. Malgré nous, le même récipient de terre cuite sert de trait d'union, entre les bâtisseurs de cette grande cité ancestrale et mystérieuse, et les Indiens Aymaras de l'Altiplano andin d'aujourd'hui.

 

De retour à la "civilisation", nous avons fait halte à La Paz, la capitale.

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13 janvier 2025 1 13 /01 /janvier /2025 10:13
En granit importé de Bahia. Photo G.C.

En granit importé de Bahia. Photo G.C.

Et pour ceux qui veulent l'ignorer, c'est gravé à l'or fin " Châtelain en 1980"et depuis je le suis.

"Rien ne peut modifier, atténuer, exalter le ton, la valeur, la joie d'une âme. Propagandes, éducations, violences, intérêt, souffrances, et même le fameux Amour n'atteignent pas l'âme. L'âme s'en fout.
Le fond d'un homme est immuable. L'âme n'apprend rien, n'oublie rien. Elle n'est pas venue sur la terre pour se faire emmerder. L'âme n'est chaude que de son mystère. Elle y tient. Elle le défend. Elle y tient par-dessus tout, envers et contre tout. La mort qui refroidit tout ne saisit pas toujours l'âme, elle se débrouille.
L'airain, le platine, le diamant ne sont que flexibles, ductiles, capricieuses, très impressionnables substances comparées à l'âme, à l'effroyable immutabilité d'une âme.
Rien ne peut l'atteindre. Du premier au dernier souffle la même pauvreté, la même richesse, exactement. Tous les bavardages, toutes les menaces, tous les charmes, tous les subterfuges flanchent, se dissipent devant sa porte, ne pénètrent jamais.
Rien ne peut l'appauvrir, rien ne peut l'enrichir, ni l'expérience, ni la vie, ni la mort. Elle s'en va comme elle est venue, sans rien nous demander, sans rien nous prendre. »
Louis-Ferdinand Céline — L’École des cadavres

Je crois que c'est la seule approche de l'éternité qui nous est accessible, merci Ferdinand. Les scientifiques, les mystiques, les politiques, les adeptes de la "servitude volontaire" n'y arriveront jamais mais essayerons toujours de l'atteindre, de la comprendre, cette ÂME.

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10 janvier 2025 5 10 /01 /janvier /2025 19:53

Tous les jours, des camions chargés de marchandises et de "campesinos"arrivent là pour commercialiser leurs productions agricoles. Tout converge là, à toutes heures, des hautes terres de l'Altiplano aux basses vallées, les Yungas. Cette capitale de La Bolivie est plus haute du monde, située entre 4100 et 3300 mètres d'altitude. A l'image du pays, séparé entre le haut et le bas, cette grande agglomération reste en partie occupée par les Indiens, dans la périphérie proche de l'aéroport, et les métis dans la zone Ouest dont la principale voie de communication continue vers la jungle de Santa Cruz et le Brésil. Les "campesinos" de l'Altiplano et des autres vallées de Andes remplissent les rues, trottoirs et places du Centre pour y créer un marché, du producteur au consommateur, tous les jours de la semaine, en étalant au sol, sur un tissu, leurs produits agricoles ou artisanaux. Autrefois ils vivaient essentiellement de troc, d'échanges, mais aujourd'hui il leur faut de l'argent, ne serait ce que pour payer la facture d'électricité.

Cependant, bien que venant de communautés parfois lointaines et différentes, ils mettent tous en pratique la formule " le temps c'est de l'argent" à l'envers. Le temps leur appartient et ils le gèrent comme leurs ancêtres le faisaient. Un touriste américain, en ballade, s'intéressa à une vendeuse à grosses tresses noires, assise sur le trottoir, qui avait devant elle, cinq petites figurines sculptées. Comme toujours dans ces cas là, il demanda le prix. "Trop cher!". Il fit une offre pour la moitié. Elle accepta. "Ok, je prends les cinq". " C'est impossible! Señor car je n'aurai rien à vendre demain." Il est reparti en maugréant sur la bêtise et l'ignorance des Indiens.

Les grandes villes ont toujours été pour nous l'occasion de passer au Consulat de France pour y récupérer le courrier qu'on nous envoyait en poste restante. C'est le directeur de l'Alliance Française qui nous invita à rester chez lui. Cela m'a permis de faire quelques photos et d'apprendre qu'un grand pèlerinage se préparait pour Copacabana, cette montagne sacrée qui domine le lac Titicaca. C'est l'occasion de reprendre la route vers le Nord. En quelques jours d' étapes, toujours rythmées par la recherche d'un bivouac et d'un repas, nous arrivons au pied du sanctuaire.  Il ne reste plus qu'à l'escalader. D'en haut, je ferai une pellicule pour mieux spécifier cet endroit magique où les croyances et les pratiques religieuses se mélangent et se bousculent, sans inimitiés ni prosélytisme.

De ces hauteurs, à l'horizon d'autres chaînes de montagne enneigées, de plus de six mille mètres d'altitude, le début de la Forêt Vierge qui continue jusqu'à l'Amazonie brésilienne. Nous avons repris la marche sur l'axe routier vers Sorata. Au hasard des transports, en camion ou autobus, mais toujours  comme "andarinos" ou" mochileros" sans le sous, on arrive dans cette "capitale" de la province de Larecaja ,au pied du pic Ancohuma,vers les 14 heures, le 31 Janvier. Le chauffeur, sacerdoce, nous arrête sur la place aux palmiers, il est américain. J'en profite pour aller au bureau de la police urbaine  m'informer si un camion passera pour Tacacoma. En l'attendant je reviens vers la "maison de la paroisse", la "Casa paroquial". Il est là et nous montre une grande carte. Il nous donne aussi beaucoup d'explications sur un ancien chemin vers l'or des Incas. Très peu l'ont pratiqué et il  reste méconnu.

Changement de programme, on ira vers Ancoma. Demain matin, il y aura un camion. On dort au presbytère, par terre, comme toujours, dans notre sac de couchage matrimonial. Au lever du jour, après un café, du pain et des biscuits  on va au poste de police .Le gradé nous trouve le camion qui va monter vers le col. La piste est mauvaise, boueuse, il fait froid et je dois aider l'assistant à  mettre des chaînes. Vers 13 heures, le véhicule s'arrête et le chauffeur nous montre sur la droite  le départ d'un chemin, celui  qui passe le col de l'Ancohuma au pied des neiges éternelles. On entreprend l'escalade en montant toujours plus haut. Un brouillard humide rend les pierres glissantes et le sentier devient blanc. En sueur nous commençons à descendre, nous  franchissons la cordillère. Plus bas, sur les pentes un peu plus vertes et dégagées on voit quelques chevaux , des moutons aussi. Le ruisseau sur notre gauche devient plus abondant et vers les 16 heures, nous approchons de quelques maisons de pierre et de chaume, c'est Ancoma. Dans une cour, un petit homme, bossu, travaille consciencieusement son métier à tisser. Je le prends en photo et il nous invite à boire un café chaud. A la veillée, deux autres métis se joignent à nous pour réciter des prières.  Nous passerons la nuit là.

Au matin, il pleuvait. Après une soupe de pomme de terre et un café, nous avons repris la marche avec le poncho et  nos sacs pour les protéger. Direction Lambramani, nous a t'il dit, en nous donnant quelques "chuños". En fait cette destination n'était qu'un lieu-dit. Le chemin continuait à mi-pente et le torrent en bas était plus abondant. La végétation commençait à verdir et prendre de la hauteur. Les pierres plates, posées de loin en loin au sol, marquaient bien le chemin à suivre. Sans avoir rencontré personne, en fin d'après midi, j'ai pu installer le bivouac la pluie s"étant arrêtée. J'avais noté un autre lieu, Ramusani, Vaynapata. Deux jours de marche sans rien rencontrer, sinon un décors de plus en plus luxuriant, avec des papillons, des oiseaux, toutes sortes d'insectes et peu de serpents.

Au quatrième jour, un terrain plus dégagé sur la gauche laisse entrevoir une chaumière. Nous y allons. Un gosse apparait avec un pied malade, bandé, quelques poules et un cochon, puis un adulte avec un goitre . On se serre la main, ou plutôt on s’effleure les doigts comme font les indiens, et il nous dit que "l'autorité" est à la maison plus bas, prés de la cascade. On y descend, personne. C'est l'occasion de prendre un bon bain dans l'eau froide et pure. On remonte et ils nous offrent des bananes et du "choclo". On reprend des forces et on nous explique que le chemin jusqu'à l'or est long et dangereux. Il y a eu même un mort. On n'a pas le choix, il faut continuer.

Le réveil est laborieux sur cette paillasse confortable offerte et aux premiéres lueurs c'est le rituel de l'empaquetage de nos sacs. Puis les chaussures, et c'est reparti: le chemin, la boue, les pierres luisantes, rendues glissantes par la pluie, les descentes dangereuses et les montées épuisantes. La traversée de torrents adjacents à la vallée, sur un tronc d'arbres, en équilibre, et celles plus impressionnantes de "maromas", ces trois câbles de lianes  tendues au dessus du torrent dont le plus bas sert à marcher et les deux autres pour s'agripper les mains, est toujours périlleuse, mais nous y arrivons avec précaution. En fin de journée, on bivouaque sous un abri genre grotte, pour se sécher et se restaurer quelques pomme de terre, des maïs et fèves séchées. Le sommeil est léger, que d'un œil, car d'autres animaux vivent aussi dans le secteur. J'ai toujours ma machette à portée de main.

On a peu dormi et des courbatures gênent notre repos. C'est laborieux pour se remettre en route. Après deux bananes et l'eau d'un ruisseau, comme petit déjeuner, nous reprenons la marche. Rien d'autre à faire que d'avancer. Heureusement nous sommes deux qui ne faisons qu'un, cela stimule. La végétation est plus dense et les arbres beaucoup plus hauts. On s'enfonce dans la jungle et les moustiques, surtout des petits, n'arrêtent pas de me piquer. Avec un morceau de tulle, je me fais un masque fixé sur mon chapeau. J'y vois moins bien mais je n'ai plus à me gratter le visage sans cesse. Où sommes nous? En début d'après midi, en contre-bas,une maison apparait enfin. "A Choisi !" nous dira une femme corpulente, venue à notre rencontre.

Elle a de suite compris que nous étions épuisés, surtout "la pobre señora", Elle nous ravitaille  et nous invite à nous reposer. On y restera toute la journée suivante. En parlant, nous apprenons qu'elle s'appelle " Doña del Vilar et a connu, ici, un autre marcheur qui était lui, en bien plus piteux état. Elle l'a retapé, en une semaine, et il est reparti. Elle n'avait toujours pas compris, pourquoi, son hôte avait absolument tenu à lui payer son séjour. Elle apprendra plus tard qu'il s'agissait de Régis Debray, le fameux français qui avait tenté de rencontrer Che Guevara, dans les parages. Son jardin, sa "chacra" de deux hectares, était une merveille de bio diversité, disons climatique. En haut des fèves et des petites pomme de terre roses, en bas du café, du cacao et des bananes.

Nous voilà, au matin, de nouveau en marche pour reprendre le chemin. On avance pas à pas au milieu des fougères arborescentes, parfois un coup de machette pour y voir plus clair. Il fait chaud. Le sol est boueux et moins praticable. Des traces de sabots ont crée des flaques qu'il vaut mieux éviter. Lorsque ça monte, pour traverser un torrent au plus étroit d'une vallée adjacente, sur la droite, les mules ont marqué une sorte d'escalier qu'il faut bien utiliser malgré la hauteur de certaines marches. Nous sommes trempés de sueur, et en traversant un cours d'eau froide, pieds nus, pantalons retroussés, ma compagne est prise d'un malaise, une paralysie soudaine. Je la charge sur mon dos pour passer de l'autre côté. Allongée au sol, je tente de lui réchauffer les jambes. Peut-être ne pourrons-nous pas aller plus loin?

Je retraverse pour rassembler nos sacs et on contemple le paysage. On se pose. Sur cette hauteur la vue est magnifique. Tout en bas, loin, la forêt amazonienne. En haut, à l'horizon, les pics enneigés de la cordillère. L'air est pur et son oxygène nous remet debout, pour redescendre cette fois. La vallée du Tipuani s'élargit et les vallons de chaque côté aussi. A mi pente, le chemin se divise en deux. Je prends celui de gauche, l'autre était marqué par des sabots. Et nous voilà devant un autre torrent mais cette fois, nous avons devant nous une "marona" d'un  nouveau type: deux cordes, une en liane et l'autre en acier, d'une trentaine de mètres,  soutiennent une caisse, accrochée avec deux poulies, suspendue au dessus du vide.  Faut y passer. Je m' assoie dans la boîte en planche. Ça a l'air solide, et empoignant la corde, j'avance sans regarder en bas. J'arrive sur l'autre rive et y pose mon sac. Maintenant, c'est le tour de mon amie. Elle récupère la caisse, finit par s'y installer, et c'est parti. Nous voilà de nouveau ensemble pour continuer.  

On retrouve le chemin et celui aussi des muletiers . Pour la premiére fois, un convoi nous dépasse. Les quatre bêtes de somme, lourdement chargées, sont poussées par deux hommes, avec des fouets, pressés. Ils ne sont pas très loquace mais nous disent que la prochaine étape est encore loin, c'est Llipi. A la tombée du jour, deux baraquements au toit en zinc nous indiquent que nous sommes arrivés. Un viel homme, devant sa porte, nous propose un verre d'alcool. Je le bois d'un trait et nous entrons. Pour deux pesos, nous aurons des omelettes et des peaux de mouton pour dormir, bien. Le lendemain il pleut. Après un café et un morceau de pain rassis, offert par les muletiers, on repart, abrités sous nos ponchos de toile imperméable, qui dégoulinent d'eau, entravant la marche. Le campement des chercheurs d'or est là-bas, à peine visible au fond de la vallée couverte de jungle.

La descente est périlleuse, glissante, et sa chaussure n'ayant plus de talon, ma compagne tombe plusieurs fois. Le moral est au plus bas, mais on se soutient pour avancer quand même. Faut arriver à Ununtulini. On sera sauver. Quelques maisons en terre avec des toits en tôle à moitié rouillée, nous signalent un lieu habité. Ce sera la derniére halte avant d'atteindre les bords du Tipuani où les mineurs creusent le rio, maintenant un large cours d'eau, au courant tumultueux. Il y a bientôt dix jours, nous étions à sa source au pied de l'Ancohuma. Un dernier pont suspendu où de l'autre côté un gardien nous demandera de payer un droit de passage. Il n'insiste pas, on n'a pas d'argent à donner. Le chemin est plus large et, en fin de matinée, dans un virage, je vois enfin le village des orpailleurs.  Je fais une photo. Nous posons nos sacs au milieu de la place et des enfants viennent nous parler, nous interroger. D'où venons nous ? Qui sommes nous?

Le dialogue s'établit avec d'autres adultes et, au récit de notre périple, ils nous invitent chez eux, à leur  table. Un vrai repas que nous n'avions pas connu depuis Sorata. Il semblerait que toute la population soit au courant de notre présence et ils sont nombreux, à la porte et à la fenêtre, à écouter notre histoire. Le probléme est que d'autres aussi veulent nous inviter à manger chez eux. Difficile de refuser, même si nos estomacs ne sont plus habitués à autant d'abondance. On essaye de limiter les dégâts d'une indigestion et nous demandons un endroit pour nous reposer. Nous obtenons une petite pièce, aux murs faits de bambous et de branches, avec un toit en plastique noir. On est chez nous et ils nous garantissent qu'on y sera tranquille. Une ouverture donne sur la place en contre bas et on y pose un rideau avec un hamac.

De ce poste d'observation on peut voir comment fonctionne cette communauté qui s'agite nuit et jour. Les équipes de mineur, par groupe de six ou sept, se relayent toutes les cinq heures pour descendre dans le puits creusé sur la berge. Je décide de faire un reportage et, durant plus d'une semaine, je découvre tous les aspects  de leurs activités. Ces photos seront publiées plus tard, à Paris, dans des agences de presse. C'est là que, pour la premiére et unique fois de ma vie, nous allons acheter du papier hygiénique, du dentifrice, des cigarettes et tous nos besoins, avec des pépites.  Au hasard des rencontres, sur la place ou prés du cours d'eau, les habitants nous ont donné quelques grammes d'or. Ils savaient que cela était indispensable car ici l'argent, les billets n'existaient pas. Chaque commerçant avait sur son étal, autour du centre, une petite balance trabuchet. Une fois notre article choisi, il y mettait une tare, un petit caillou, une graine ou une vis, qui correspondait à la valeur de l'article. Il ne restait plus qu'à déposer notre or sur l'autre coupelle  pour atteindre l'équilibre et avoir notre achat.

Après plus de dix jours dans ce village pris à la forêt, après avoir côtoyés tous les habitants, de l'administrateur aux administrés, des enfants et leurs parents, et discuté de la mine et du fonctionnement de la coopérative, j'avais épuisé mon rouleau de pellicule. Il fallait penser à aller ailleurs. Aucun véhicule automobile n'arrivait là. La sortie devait se faire en canoé en descendant le courant. Une après midi, une embarcation à moteur est apparue sur la berge avec trois hommes qui ont déchargé une pompe. Ils repartiraient le lendemain et nous ont proposé de les accompagner. Ce rio Tipuani est très capricieux et mouvementé, selon l'intensité des pluies presque quotidiennes qui arrosent la forêt vierge. Nous étions calés au milieu de la pirogue et le courant irrégulier nous engageait parfois dans des rapides où d'énormes rochers semblaient nous barrer la navigation. Des tourbillons pouvaient nous immobiliser et plusieurs fois des paquets d'eau nous faisaient penser au naufrage. On a tenu bon, jusqu'à Puerto Ballivian, grâce à l'habileté du pilote, habitué à ce genre d'épreuves sportives. Dire que certains payent, dans les Pyrénées aujourd'hui, pour ce genre d'émotion... Cela me paraît incompréhensible. Après quelques heures de navigation, nous avons trouvé une piste carrossable  pour continuer la route.

 

 

 

 

 

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10 janvier 2025 5 10 /01 /janvier /2025 15:04

Depuis ce matin, l'alcool coule à flot dans la ferme du Tollet.  L'alambic a commencé la distillation du vin des vignes de la propriété et se terminera cette nuit.

Sous l'oeil vigilant du distillateur, le précieux liquide qui deviendra de l'Armagnac, coule dans le réservoir. photo G.C.

Sous l'oeil vigilant du distillateur, le précieux liquide qui deviendra de l'Armagnac, coule dans le réservoir. photo G.C.

Le foyer est sans cesse alimenté pour évaporer les milliers de litre de la derniére vendange qui se transforment en vapeurs dans le serpentin juxtaposé. Par condensation elles redeviennent liquide sous forme d'alcool.

C'est un moment de convialité qui maintient une tradition ancestrale. photo G.C.

C'est un moment de convialité qui maintient une tradition ancestrale. photo G.C.

La qualité de l'Armagnac qui sera dégusté des années plus tard, après un vieillissement dans des fûts en chêne, révèle déjà ses premières saveurs et parfums. Chacun y va de son commentaire après avoir bu et savouré, une petite gorgée de ce liquide à 55 degrés d'alcool .

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7 janvier 2025 2 07 /01 /janvier /2025 19:48

Les premiéres heures dans ces hautes montagnes nous ont fait connaître le mal être du à l'altitude, au manque d’oxygène, le "soroche". Le camionneur nous a donné quelques feuilles de coca pour les mâcher et nous avons pu marcher, sans tituber, sur ce "toit du monde", le territoire des Incas, Quetchas et Aymaras. On était de nouveau debout, léger, bien qu'un peu essoufflé. Et le spectacle grandiose, un condor nous a survolé, quelle augure!

Comme l'a bien écrit L'écho du Sud "Les Quechua, souvent méconnus et pourtant si essentiels à l'histoire des Andes, sont les héritiers directs de la riche culture inca. Pourtant, leur histoire ne commence pas avec l'Empire inca, ni ne s'arrête à sa chute. Les Quechua sont bien plus qu'un simple vestige du passé incaïque; ils constituent une mosaïque vivante de traditions, de langues et de modes de vie qui se sont adaptés et ont prospéré à travers les siècles, malgré les bouleversements historiques.

Avant l'ascension de l'Empire inca, les ancêtres des Quechua peuplaient déjà les Andes, développant des sociétés agricoles robustes. Leur maîtrise de l'agriculture en terrasses et des systèmes d'irrigation témoignait d'une adaptation ingénieuse à un environnement montagneux rigoureux. Ils cultivaient principalement la pomme de terre, le maïs et le quinoa, des cultures encore centrales dans leur alimentation aujourd'hui. L'agriculture était le cœur battant de leur mode de vie, soutenue par des cycles de plantation et de récolte profondément ancrés dans les cycles naturels et les pratiques rituelles.
Les Quechua se distinguent par leur langue, le quechua, une langue encore vivante parlée par des millions de personnes à travers les Andes. Le quechua n'était pas seulement une langue véhiculaire de l'Empire inca, mais il est devenu, au fil des siècles, un lien culturel entre les différentes communautés andines. Les expressions, les chansons et les contes oraux en quechua continuent de transmettre des savoirs ancestraux et des valeurs communautaires. Cette langue a survécu malgré les efforts de colonisation pour l'éradiquer, et elle est aujourd'hui reconnue comme l'une des langues officielles au Pérou et en Bolivie, un témoignage de sa résilience et de son importance culturelle.
La spiritualité et les croyances des Quechua sont profondément enracinées dans leur relation avec la terre et les éléments naturels. La Pachamama, ou Terre-Mère, occupe une place centrale dans leur cosmologie. Elle est vénérée et célébrée lors de nombreuses fêtes et rituels, où des offrandes de feuilles de coca, de maïs et de chicha (une boisson fermentée traditionnelle) sont faites pour assurer des récoltes abondantes et la protection des communautés. Les montagnes, ou apus, sont également considérées comme des esprits protecteurs, et des cérémonies sont souvent tenues pour leur rendre hommage et solliciter leur aide.
Les traditions artisanales quechua sont une autre facette essentielle de leur culture. Les textiles quechua, connus pour leurs motifs complexes et leurs couleurs vives, sont plus que de simples objets utilitaires; ils racontent des histoires, symbolisent des croyances et marquent les cycles de la vie. Les techniques de tissage, transmises de génération en génération, nécessitent une habileté remarquable et un œil artistique aiguisé. Chaque motif et chaque couleur a une signification particulière, souvent liée à la nature, aux animaux ou aux mythes anciens.
Les Quechua ont également une riche tradition musicale et de danse, intégrée à leurs cérémonies religieuses et leurs fêtes communautaires. La musique, jouée sur des instruments traditionnels comme la quena (flûte) et le charango (petite guitare andine), accompagne souvent les danses qui reconstituent des scènes de la vie quotidienne ou des événements historiques. Ces manifestations artistiques servent non seulement de divertissement, mais aussi de moyens d'enseignement et de préservation de l'histoire et des valeurs culturelles.
La vie communautaire chez les Quechua est régie par des principes de solidarité et de réciprocité, connus sous le nom d'ayni. Ce système de coopération mutuelle est essentiel dans les travaux agricoles, les constructions et les événements sociaux, garantissant que chacun reçoit l'aide nécessaire en échange de sa propre contribution. Cette interconnexion sociale renforce les liens communautaires et assure une résilience collective face aux défis économiques et environnementaux.
Aujourd'hui, les Quechua continuent de faire face à de nombreux défis, notamment l'urbanisation, la migration et les pressions économiques qui menacent leur mode de vie traditionnel. Cependant, ils montrent une capacité remarquable à s'adapter tout en préservant leurs identités culturelles. De nombreux Quechua sont impliqués dans des mouvements pour la reconnaissance de leurs droits territoriaux et culturels, cherchant à maintenir un équilibre entre modernité et tradition.
Les Quechua sont bien plus que les gardiens de l'héritage inca. Ils sont un peuple vivant, dynamique, dont les traditions anciennes continuent de s'épanouir et de s'adapter aux temps modernes. Leurs contributions culturelles, linguistiques et agricoles enrichissent non seulement les Andes, mais aussi le patrimoine mondial. Les Quechua illustrent la force et la vitalité d'une culture qui a su traverser les âges, portant avec elle les échos d'un passé glorieux et les promesses d'un avenir résilient."
C'est ce que j'ai recherché à illustrer, à révéler par des images, en choisissant d'aller à leur rencontre en quittant les routes goudronnées et suivre des chemins qui nous ont conduit dans des communautés dont certaines vivaient encore en autarcie, comme avant la conquête des "consquitadors" espagnol. Le point de départ était le marché,d'un village ou petite ville, où nous faisions escale, pour s'approcher d'indiens en tenue traditionnelle. Nous obtenions des noms de lieu et des informations sur l'itinéraire pour y accéder ensuite.                                                                          J'avais toujours gardé les dix pellicules Ilford HP, achetées avant mon départ du Luxembourg, et j'ai chargé mon Nikon pour commencer à photographier cette Amérique du Sud qui nous ouvrait les bras. La manifestation religieuse du "Seigneur des Miracles", comme il est dit dans l'histoire officielle, fut mon premier reportage. Il a lieu tous les ans dans la capitale, à la date anniversaire : "Le , à 14h45 survint un terrible séisme à Lima et au Callao, en effondrant des églises, enterrant des demeures en laissant des milliers de morts et sinistrés. Toutes les parois de la confrérie se sont effondrées, sauf la faible paroi d'adobe sur laquelle se trouvait l'image de Jésus. L'image est restée intacte, sans aucune fissure." .                                                                                                                                                                        
C'est événement fut une révélation, vu son ampleur, pour prendre conscience, à quel point, la religion catholique avait imprégné la culture, le mysticisme dans ce pays et asphyxié les croyances et les valeurs morales, existentielles, de tout un peuple qui était là depuis des milliers d'années.
J'ai pu faire une pellicule de cette ferveur religieuse de toute une population, en proie à la dévotion du Christ crucifié, avec une série de portraits,  durant cette longue procession qui défilait devant moi. Je ne peux en dire plus car mes photos sont plus explicites, je crois. J'avais conclu avec un patron de presse allemand, rencontré à Mexico, de lui envoyer par courrier spécial mes négatifs. Je les ai retrouvés trois ans plus tard, développés avec une planche contacts, pour les publier à Paris.
 
Entre Huancoyo et Ayacucho, partant d'un petit marché en bord de route, nous sommes montés vers un village, en fête, où des indiens célébraient l'élection d'un nouveau chef. Avec leurs ponchos multicolores, leurs instruments de musique traditionnels et de gros coquillages qui leurs servaient de trompe, j'ai décidé d'utiliser la seule pellicule couleur que j'avais. Leurs portraits sont exposés aujourd'hui dans une galerie gersoise.  De nouveau sur le trajet vers Cuzco, nous sommes passés par Chinchero où des cinéastes américains tournaient un film avec Denis Hooper, une star d'Hollywood. On s'est juste dit bonjour et avons continué notre chemin, sacs au dos. Puis les ruines monumentales de Sacsayhuaman  et de Machu Pichu nous ont inspirées pour y rester plusieurs jours. Le gardien nous donna un coin de sa cabane pour étaler nos sacs de couchage. Vivre dans ces ruines jour et nuit donnait une autre dimension à la civilisation Inca: une force, une énergie vitale qui était bien présente et facile à assimiler avec toutes ces énormes pierres si soigneusement posées là.
 

Passée la frontière Pérou-Bolivie, à
Desaguadero nous avions abordé en
une journée de marche le long d'une
piste cahoteuse, reliant les deux pays
andins, le petit village de Tiahuanaco
dont le nom est devenu célèbre depuis
qu'il s'affiche au sommaire de
nombreuses revues spécialisées aussi
bien dans l'archéologie que dans la
science-fiction.
A plus de 4000 mètres d'altitude, sur
une plaine rase et dénudée tantôt
brûlée de soleil, tantôt glacée par les
ténèbres, où la végétation comme les
hommes ont du mal à s'adapter à des
conditions de vie aussi rigoureuses,
s'éparpillent les ruines d'une cité dont la
taille des monuments et les murs
d'enceinte encore debout malgré les
âges et les pillages successifs, indiquent
aux touristes et aux voyageurs, les
anciennes splendeurs d'une civilisation
aujourd’hui semble-t-il, disparue.
Malgré le manque d'hospitalité du village
aligné en masures de briques crues sur les
bords de la grand-route où quelques camions
passent sans ralentir, nous avions décidé
d'y trouver refuge, afin de côtoyer de plus
près ces pierres dont le mystère émoustille
tant d' historiens.
Notre première préoccupation fut la
recherche d'un abri pour passer la nuit
et nous remettre des fatigues d'une
longue journée de marche. Une rapide
reconnaissance des lieux nous amena à
ta «casa paroquial» où généralement,
en plus du toit, nous trouvions des
interprètes très documentés sur les
coutumes de la contrée.
Ces missionnaires d'origine espagnole
ayant pris l'habitude de servir d'agence
touristique aux égarés de grands
chemins, leur accueil fut très chaleureux
; au moins une fois par trimestre, des
«aventuriers» viennent frapper à leur

porte et demander asile. Pour eux
comme pour nous, ce fut l'occasion de
vérifier une fois encore que l'aventure et
la foi peuvent faire bon ménage.
Le gîte et le couvert assurés, nous
pouvions tout à loisir errer dans la
«puna». Les ruines étaient le lieu de
ballade.
. De la Porte du Soleil à
l'Acapana du Castillo, aux énormes blocs
de trachyte de Puma Punku à quelques
kilomètres de là, aucune découverte
fulgurante ne vint éclairer le mystère.
Rien ne répondit à l'énigme quelle sorte
d'hommes et de femmes ont dressé ces pierres et
pourquoi ? Sur ce site, nous avions ramassé de

des petits morceaux
de céramique.
 

En rentrant dans notre «paroisse»,
j' exhibais une partie de notre cueillette
au père Jimmy. Pour lui, ces pièces
n'avaient pas de grande valeur mais
elles permirent d'amorcer une
discussion sur les techniques de la
poterie chez les Incas et dans les
communautés  avoisinantes. Ce
fut le point de départ d'une nouvelle
"expédition» qui allait nous conduire
assez loin dans le temps : chez un
céramiste de l'ère Tiahuaoacote, celle d'avant la conquête.
Dans la cour de la maison paroissiale, un
groupe de «campesinos», vêtus de ponchos
et de lainages colorés, filaient à la quenouille et
attendaient les cours d'éducation religieuse,
 avant de rejoindre leurs
communautés, disséminées dans les
environs

sur un rayon de 50 kilomètres. Ces
catéchumènes nous offraient l'occasion de
faire plus ample connaissance avec les
autochtones.
Après les cours d'évangélisation, réunis
autour de la même table, ils firent parler
leur «quena» et dansèrent par petits
groupes, martelant le sol à petits pas, au
rythme de cet instrument à vent. Les
"conteurs• terminèrent la soirée, et, avec
l'aide du père Jimmy, des liens d'amitié
s'établirent avec le chef d'une petite
communauté, située de l'autre côté de la
chaîne de montagnes qui entoure le
plateau. Il nous invita chez lui.
Il regagnait son village le lendemain et
nous décidâmes de te suivre. Il vivait en
territoire Machaca, dans un coin assez
reculé, près des ruines de Huancané
pratiquement inexplorées. Cette communauté,
satellite de l'ancienne Tiahuanaco s'étendait
 sur une vaste contrée, allant des
bords du lac Titicaca aux confins des hautes
 cimes qui marquent la frontière avec le
Chili. Tôt le matin, un peu avant l'apparition du
jour, alors que les premiers rayons du
soleil n'avaient pas encore dissipé le froid
nocturne, tout le personnel de la paroisse
était sur pied pour attendre au bord de la
«nationale» l'arrivée du bus. Nous
devions revenir sur nos pas  une
quarantaine de kilomètres, afin de
franchir, au plus près des berges du grand
lac, la chaîne de montagnes.
Le véhicule lourdement chargé s'enfonçait
parfois jusqu'aux essieux dans la boue des
ornières de cette mauvaise piste peu
entretenue. Les passagers vêtus de laines
multicolores, tissées à la main, assis sur leurs baluchons,
s'entassaient jusque sur le toit de la
guimbarde, parmi les paniers et les
animaux domestiques, tous fortement
secoués par les soubresauts du véhicule.
Souvent l'engin s'arrêtait pour laisser
descendre un petit groupe de passagers à
quelques lieues de leur demeure.
En début d'après-midi, après plusieurs heures de route, nous
abordâmes Jésus de Machaca, dernier village
où s'arrêtent les engins motorisés.
Là, notre guide avait dissimulé sa
bicyclette derrière les portes de la petite
chapelle. Il ne pouvait nous accompagner
à pied car on l'attendait à Liki-Liki, sa
communauté, pour chanter et réciter des
prières . Avant de nous quitter, il nous
indiqua le chemin à suivre. Il fallait
prendre tout droit le profil des montagnes
et, passé le quatrième «rio», tourner sur la
gauche, dans le sentier qui menait
directement chez lui. Il prit une partie de
nos bagages sur sa bicyclette et enfourcha
sa monture.
Après un bon casse-croûte de graines
de mais et de pommes de terre gelées
«chunhos», nous étions prêts nous aussi à
rejoindre Liki-Liki, distant de quatre
«leguas» (une vingtaine de kilomètres).
Juste à la sortie du village, un individu qui
se signalait par l'importance de son
estomac et son habillement de «métis
civilisé» nous interpela. Il voulait voir nos
passeports car il était "l'autorité» du
village et devait contrôler les étrangers.
Des consignes spéciales lui avaient été données pour empêcher la fuite par le
désert de "guerrilleros" vers le Chili.
Il nous fit rentrer dans sa masure ou divers calendriers et la photo
sous-verre du président Ovando accrochée
au mur, donnaient l'aspect d'un bureau
officiel. Sur une table bancale, trainaient
quelques imprimés et des tampons
couverts de poussière. Avec une attention
manifestement incompétente, il tourna les feuillets
couverts de visas de nos passeports.
Il essaya de placer une remarque perspicace
sur le nombre des pays parcourus et
finalement releva la tête pour clamer
haut et fort le fruit de son examen :
«Américain, vous devez payer dix pesos!"
Autrement dit, il nous fallait lui verser de l'argent, si nous voulions avoir droit de
passage et sortir de ces tristes
locaux. Ma réponse ne se fit pas
attendre :" pas de pessos, rien. jamais"
même s'il nous gardait
des semaines sur ses chaises. Devant
notre détermination, il baissa la
somme de moitié, mais ce
marchandage m'incita davantage à ne
pas céder, Après quelques palabres et
un timide sourire, il nous restitua
nos passeports. Nous pouvions. enfin
entamer notre marche vers Liki-Liki où
notre ami devait déjà être en train de
chanter les nouvelles prières apprises la
veille.

Notre randonnée fut une agréable promenade.
 La pureté de l'atmosphère et la
brillance du ciel rendaient notre marche
aisée, presque euphorique, dans ce
monde désolé et sans artifices, ouvert à
l'espace. Les chinchillas et les viscaches
faisaient des apparitions furtives, avant de
disparaître derrière les pierres ; au loin des
bandes de vigognes dont l'élégante
silhouette se découpait sur la ligne
dansante de l'horizon, semblaient en
suspension dans l'air. Un peu avant la
tombée de la nuit, nous avions franchi la
quatrième rivière qui alimentait en eau
courant toute la communauté où nous
devions séjourner.
La famille de notre hôte nous attendait
devant la porte de leur modeste demeure
et vint nous souhaiter la bienvenue. Il
m'est toujours difficile d'évoquer en
quelques phrases les conditions
d'hospitalité en vigueur dans ces pays,
pour ceux qui n'ont pas vécu une telle
expérience. Les termes à employer ici
perdent leur sens ou peuvent paraître
démesurés. J'avoue mon incompétence à
faire partager mes sentiments et les
moments que nous avons passés parmi
ces gens dont on rabâche la misère et le
dénuement. . Le lendemain, nous avons
travaillé sur la «chacra» (le jardin) soigné comme un
nouveau né, chaque pied de fève, de pomme
de terre et partagé encore et encore tous
les moments de ces journées sans horloge,
seulement rythmées par marche de l'astre
solaire. Pour nous, pour eux, tout est
possible, qu'il s'agisse de déplacer un bloc
de pierre de plusieurs tonnes ou de faire
cuire des poteries sur un terrain où il n'y a pas d'arbres,
que de ta rocaille et des croûtes de sel. Le
mystère même de leur survie, plutôt que
de leur vie, restera toujours une
impénétrable énigme pour ceux qui ne
comprendront pas qu'il est possible de
cultiver son jardin même à 4000 mètres

d'altitude  et de communier à chaque
moment avec la "Pachamama», notre
mère, la terre, l'univers, pour qu'elle nous
donne son énergie.

Parmi les chaumières avoisinantes, nos hôtes nous
signalèrent l'atelier du potier , monsieur Choqué. Il travaillait
selon des techniques transmises de père en fils, et
reproduisait avec une étonnante fidélité, les objets
en terre cuite retrouvés lors de fouilles
archéologiques, sur le site de Tiahuanaco. Aussi,
puisque les originaux ont les honneurs des musées,
les «copies» de Choqué sont pour les marchands
peu scrupuleux, tout à fait dignes d'un commerce
international. Cette mine de dollars fut découverte il
y a quelques années par un touriste des États-Unis
et depuis, E. Choqué alimentait cette contrebande.Mais c'est le
procédé de fabrication de la poterie inca qui
m'intéressait avant tout.
Un tour rudimentaire, mais
efficace, composé d'une
lourde
pierre plate, percée en son
centre,  était le principal
outil de notre potier. C'est là
que la terre ramassée dans les
environs prenait la forme si particulière des poteries de
Tiahuanaco. Le travail de
préparation de cette terre
était des plus simples
l'important étant son
élasticité,
La première singularité de son
travail tenait en la préparation
des couleurs et du décor. Les
outils employés demeuraient
typiquement Aymaras.
D'abord, un espèce de pilon,
constitué par un gros bloc de granit,arrondi

arrondi sur les angles, lui permettait de broyer

des morceaux de minerai brut. Réduites en poudre,

"ces pierres de couleur", trouvées dans les montagnes,

lui servaient à colorer ses pots. Malgré
mes questions pour en connaître le nom
exact, j'ai dû me satisfaire de la
dénomination portée sur chacune en
fonction de leur aspect.
Il disposait de cinq poudres différentes :
blanc, noir, marron, orange, jaune ;
lorsque la pièce tournée était sèche, il
humectait légèrement la surface
extérieure pour la polir soigneusement
avec un galet très lisse. Ensuite, il
procédait à la décoration des motifs qu'il
gravait en bas-relief avec un morceau de
bois.
L'inspiration de ses dessins venait de
sculptures qui couvraient, sur toutes leurs
faces des monolithes de 5 à 6 mètres de
long, épars sur le tumulus de Huancané à
quelques kilomètres de là. Il trouvait dans
ces reliefs, datant des anciens habitants de
Tiahuanaco, le style des motifs, condors,
serpents et autres personnages fabuleux
de l'Altiplano, dont il ornait ses pots. Les
surfaces étaient ensuite peintes avec les
poudres qu'il diluait dans l'eau avant de
les passer au four.
Le procédé de cuisson est
particulièrement original et judicieux sur
cette terre où le bois, rarissime, ne permet
pas d'alimenter un grand foyer. C'est avec
des bouses de ruminants  que le feu est
amorcé. Il est ensuite entretenu avec des
excréments de lama et de mouton que
l'apprenti,  jette dans les
flammes, pendant cinq heures, à une
cadence régulière. L'art de cette cuisson
consiste à doser intuitivement la poignée
d'excréments qui permettra
progressivement de porter à 750 degrés environ,
la température du four, moitié enfoui sous
terre pour mieux garder la chaleur.
Ce travail terminé les pièces sont prêtes.
Elles attendent sur des étagères ou à
quelques centimètres sous terre, pour les
patiner et les vieillir, .l'arrivée de l'«américano» qui
viendra chercher sa marchandise. . .
Elles sonneront comme du cristal
lorsqu'on les fera tinter d'une
chiquenaude, comme des originaux
authentiques ; un peu moins clair
toutefois si on les enterre. . . Mais
même s'il est devenu, «grâce à» notre
civilisation, fournisseur de poteries pré incaique
pour des  collectionneurs
occidentaux,  monsieur Choqué reste le potier de
LikiLiki et de ses habitants, qui chaque jour,
mangent leur soupe de pommes de terre

dans leurs bols et assiettes. Malgré
nous, le même récipient de terre cuite sert
de trait d'union, entre les bâtisseurs de cette
grande cité ancestrale et mystérieuse et les Indiens Aymaras
de l'Altiplano andin d'aujourd'hui.

De retour à la "civilisation", nous avons fait halte à La Paz, la capitale.

 
 
 
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5 janvier 2025 7 05 /01 /janvier /2025 15:18

C'était du temps de notre grand père, dans les arts populaires français. 

Un cedrier en céramique de Limoges. Photo G.C
Un cedrier en céramique de Limoges. Photo G.C

Un cedrier en céramique de Limoges. Photo G.C

Et nous avons connu un "baby boom". Maintenant c'est les migrants qui font des enfants. Chez nous il faut d"abord de l'argent aux femmes pour envisager de les élever. Sinon ce n'est pas possible . Vivement la décroissance écologique pour préparer l'avenir de notre pays où on pouvait rire et boire du vin sans modération

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3 janvier 2025 5 03 /01 /janvier /2025 19:55

QUELLE BONNE SURPRISE, UNE PHOTO VIENT DE ME PROUVER QUE DEUX TIRAGES DE MON EXPO " En Marche Ensemble", EN COULEUR ET NOIR ET BLANC SONT AUX BAHAMAS.

Voilà ce que j'ai reçu ce matin au château, donné en main propre par un américain de grande taille, accompagné de sa femme qui ont visité mon exposition "En Marche ensemble Chez les Incas" et acheté une photo couleur avec son tableau peint par Gilles Brasseur.

En premier propos il m'a dit avoir une maison aux Bahamas et nous avons parlé de la transparence de l'eau aux Caraïbes. Je me suis souvenu de notre vie à Islas Mujeres, des journées dans la crique de Cancun avec les tortues et les lambis qui tapissaient le fond de sable blanc par centaines, et aussi Cumana au Vénézuela, Haïti. Mais le lagon d' Ètang salé les Bains à La Réunion ainsi que les récifs de coraux de Nocibé dans l'Océan Indien, ils ne connaissaient pas. Inutile d'en rajouter.

Puis nous en sommes venu à parler des Incas. Je voyais bien qu'il ne connaissait pas mais les photos qui représentent la vie des Indiens au quotidien lui disait quelque chose, il avait l'air de les comprendre sans autres précisions comme beaucoup me demandent face à un monde inconnu ou très lointain.

Finalement ils achètent deux tableaux cash et Monsieur me donne un médaillon. Sur le coup je vois bien que c'est un bel objet sans plus. En y regardant de plus prés je lis BLack Elk. Ce nom me sidère.

photo guy capdeville le 27 septembre 2024

photo guy capdeville le 27 septembre 2024

Vous ne savez pas de quoi il s'agit, très peu le savent sauf les américanistes peut être.

Comme maintenant tout le monde à un smartphone avec internet, il suffit de taper le nom sur Wikipédia.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Documentation du modèle

Black Elk (Heȟáka Sápa), en français Wapiti noir, né le 1er décembre 1863 et mort le 19 août 1950 (à 86 ans), est un homme-médecine et un chef de la tribu des Indiens Oglalas (Sioux). Il fut un petit cousin du célèbre chef indien Crazy Horse. Il participa à l’âge de 13 ans à la bataille de Little Bighorn en 1876 et fut blessé en 1890 lors du massacre de Wounded Knee. En 1887, il voyagea en Angleterre au sein du spectacle Wild West Show de Buffalo Bill, et se perdit à Londres, devant y séjourner durant deux ans dans l'attente du retour de Buffalo Bill en 1889, dans le cadre de ce qu'il décrivit ultérieurement comme une pénible expérience (au chapitre 20 du recueil de souvenirs publié sous le titre Black Elk Speaks (Wapiti Noir raconte

Photo guy capdeville à 19h13 le 27 Septembre 2024

Photo guy capdeville à 19h13 le 27 Septembre 2024

Et je remarque avec au centre le logo de la justice: une balance connue dans le monde entier avec  gravé autour: Une justice égale par la Loi . C'est Le Juge suprême ( Attorney Général) de Dakota du sud, Monsieur Mark Vargo, en personne qui vient de me donner ça.

Retour sur Internet : c'est bien lui qui fût le juge suprême de cet État en 2022 et 2023. Il a entre autre défendu et poursuivi les agresseurs blancs des Indiens surtout des femmes de ces tribus kidnappées par des proxénètes.  Cette maxime " Garde ce jour. C'est à vous de faire" qui encercle le nom de ce chef indien Black Elk dernier combattant avec Sitting Bull que j'ai au doigt me laisse perplexe.

17 décembre 2023
Cinq dollars or de 1911 . photo guy capdeville

Cinq dollars or de 1911 . photo guy capdeville

Avec cette effigie de Sitting Bull  à mon doigt la" Liberty" reste l'image du prix payé par les indiens pour être dépossédé de leurs terres riches en or.

 

IL NOUS A LAISSÈ EN PLUS DE SON PORTRAIT LÈGENDAIRE UNE LETTRE.                         "L’homme blanc ne comprend pas nos mœurs. Une parcelle de terre ressemble pour lui à la suivante, car c’est un étranger qui arrive dans la nuit et prend à la terre ce dont il a besoin. La terre n’est pas son frère, mais son ennemi, et lorsqu’il l’a conquise, il va plus loin. Il abandonne la tombe de ses aïeux, et cela ne le tracasse pas. Il enlève la terre à ses enfants et cela ne le tracasse pas. La tombe de ses aïeux et le patrimoine de ses enfants tombent dans l’oubli. Il traite sa mère, la terre, et son frère, le ciel, comme des choses à acheter, piller, vendre comme les moutons ou les perles brillantes. Son appétit dévorera la terre et ne laissera derrière lui qu’un désert..."

J' ai eu cette pièce en or comme cadeau offert par le propriétaire, Italo, des cinq mille hectares au Vénézuela  quand j'ai quitté mon travail d'administrateur en remerciement de la gestion de son élevage extensif de trois mille bovins.

Comme par hasard, aujourd'hui, son fils Stéfano m'a envoyé pour la premiére fois un message sur FB de Tokyo.

Au Hato Argentina on  se nourrissait presque exclusivement de viande, ce n'était pas des bisons mais des zébus.

Plus de cent chevaux nous permettaient de galoper dans ces espaces en toute liberté pour rassembler des troupeaux dispersés de la savane à la forêt vierge; mon cœur est toujours vivant là. L'autre celui de Sitting Bull est "enterré à Wounded Knee".

Paix à cette terre aujourd'hui traversée par une autoroute qui va vers le Brésil.

Photo guy capdeville. Grande plaine américaine où vivaient des Indiens.

Photo guy capdeville. Grande plaine américaine où vivaient des Indiens.

L'Amérique restera ce qu'elle est, une terre immense avec de grandes plaines, des fleuves énormes, des montagnes gigantesques, des trésors de pierres précieuses, de l'or, des minéraux de toutes sortes, des métaux rares et j'en passe mais ceux qui en sont vraiment propriétaires n'ont pas de titre, de justificatifs pour prouver que c'est bien à eux: les Indiens.

Pour eux leur terre n'est pas monnayable, elle est sacrée, c'est la Pachamama, leur mère. Il faut vivre avec eux pour en comprendre le sens, c'est bien simple. Dans leur quotidien, ils sont toujours en train d'y faire hommage: une goutte d'alcool versée au sol, une feuille de coca posée au pied d'un arbuste, tous ces gestes anodins sont un témoignage de leur reconnaissance à vivre grâce à elle.

Pour nous c'est imposé notre façon de produire des richesses, en fouillant le sol, en barrant les cours d'eau, en labourant les plaines, afin de les exporter en dollars par des systémes bancaires internationaux vers le nord du globe.

Alors aujourd'hui je constate chez eux, les américains,qu'il existe aussi des blancs qui défendent les intérêts des indiens. Je n'oubliera pas ce jour ou Black Elk est venu rencontrer Sitting Bull, ici, porté par un Attorney Général du Dakota du Sud, républicain. Serait ce le renouveau d'un esprit non matérialiste comme Pachamama l'enseigne à ses enfants depuis des millénaires?

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  • : photojournalisme
  • : photographe de presse fut mon premier métier ; avec l'argentique les photos n'étaient pas retouchées. Elles étaient imprimées en noir et blanc comme à la prise de vue, c'était de vrais documents. Aujourd'hui avec le numérique toutes les photos sont retouchées
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