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26 juillet 2010 1 26 /07 /juillet /2010 21:15

Ce n'est pas "l'énigme du retour" comme l'a écrit Danny Laferrière qui m'a ramené à Port-au-Prince.
Six mois après le 12 janvier à 16h53 je suis de nouveau à Pétionville, dans le luxe quatre étoiles de l'hôtel Ibolele, où j'avais fait Les Photos Censurées de toute l'équipe de Médecins Sans Frontières au bord de la piscine en mars. A 16h55 ce jour là, plus de 100 000 personnes étaient en train de mourir, écrasées sous des blocs de béton ou par des téléviseurs : "beaucoup de gens l'ont reçu à la tête"
(D.Laferrière). Même six mois plus tard, on ne connait pas le chiffre exact. On ne le saura jamais. Dix mille victimes de plus ou de moins, ça n'a pas d' importance. Chez nous, quand on a huit morts sous uneavalanche, tout est mobilisé pour sauver des vies encore possibles.Ici, la vie et la mort marchent ensemble, tout le temps, encore plus depuis que l'horloge nationale s'est définitivement cassée à 16h53.
Les rescapés du séismes ont toujours avec eux cette courtoisie et lerespect de l'autre. Ils semblent "indifférents à cette douleur qu'ils portent avec une élégance qui a suscitée l'admiration" (D.Laferrière). Il y a trois mois, dans "L'Orgie Humanitaire" (overblog.com), je découvrais le "charity business" en pleine action et promotion sur un océan de destruction et de souffrance où ils avaient implanté leurs méthodes et leur savoir-faire. J'ai montré aussi les couleurs de ce "peuple de peintres" (A.Malraux) avec les taptap et leur abnégation à reconstruire une vie par petits morceaux. J'ai vu "un peuple digne dont les nerfs sont assez solides pour résister aux plus terrible privations" (D.Laferrière).
Aujourd'hui, même si le décor n'a pas véritablement changé, l'ambiance est différente. Des petits chantiers s'organisent çà et là. Le commerce informel de matériaux de récupération prend de l'ampleur. La circulation est plus fluide et le transport en commun taptap marche à plein régime. Par contre les taxis sont plus chers qu'à Paris et plus rares.
"Deux groupes de gens se sont toujours côtoyé. Ceux qui vont à pied et
ceux qui roulent en voiture... pour une fois, dans cette ville hérissée de barrières sociales, on circule tous à la même vitesse." (D.Laferrière).
La vie est dure à Port-au-Prince sous la chaleur moite qui commence tôt le matin. On sue, on étouffe. L'odeur des morts qui m'avait saisi en mars avait disparue. Plus de chiens, pas de chats, jamais de mendiants dans les rues. Aucun type d'agressions ou même un sentiment d'insécurité, avec mes poches pleines de dollars, car il faut tout payer cash. Mais le plus étonnant, la grande nouveauté, c'est tous ces enfants garçons et filles, en uniforme impeccable, propre et repassé, bien chaussés, qui circulent sur les bas-côtés, ici et là, dans toute la ville. Des notes de couleurs qui pétillent sur des tas d'immondices. Avec l'aide de l'Unicef et d'autres organismes internationaux, plus de 100 000 repas sont servis tous les jours dans les écoles. Au collège
des "petits de Carrefour", j'ai assisté à la rentrée des classes du matin. Les professeurs n'étaient pas encore au travail qu'une brigade de femmes, à la peau luisante et foncée, avec couteaux et marmites attaquaient déjà le chantier sous des bâches, comme tout le monde.


J'ai fait quelques photos couleur; même si je préfère le noir et blanc, avec l'autorisation de la directrice

 

HAÏTI, TES COULEURS VONT BRILLER A NOUVEAU.

L'énigme de mon retour à Port-au-Prince implique tout ce que j'ai vu senti sur place, mais aussi la volonté d'entreprise française pour reconstruire ce pays, en apportant des solutions techniques adaptées à leur mode de vie et à leurs nouveaux besoins. C'est maintenant. Tous ces enfants, dans les rues, avec l'aide de leurs parents vont rebâtir leur pays et le mot "malédiction" ne leur collera plus à la peau.

citations; D.Laferrière "Tout bouge autour de moi" (Ed. Mémoires d'encrier 2010)

 

Traduction anglaise Jeff Roberts:

 

Return to Haiti Three Months Later

   It's not the 'riddle of the return, as Danny Laferrière called it, that has brought me back to Port au Prince.

   Six months after the 12 January at 4.53 pm I am once again at Pétionville in the four-star luxury of the Hotel Ibolele, where I took les Photos Censurées of the whole Médecins sans Frontières team beside the pool in March.   At 4.53 that day more than 100,000 people were dying, crushed beneath chunks of concrete or even by their own TV sets - "lots of people had one land on their head."(D.Laferrière).   Even six months later we don't know the exact figure.   We shall never know it.   10,000 victims more or less, the statistics are not important.   With us (in France) when there are eight victims of an avalanche everything goes into action to save any possible survivors.   Here (in Haiti) life and death walk hand-in-hand all the time, especially since the national clock stopped permanently at 4.53.   The survivors of the earthquake still always display courtesy and respect for other people.   They seem "indifferent to the pain that they bear with an elegance that has provoked admiration." (Danny Laferrière).   Three months ago, in 'The Humanitarian Orgy', (overblog.com) I exposed the "charity business" in full swing, surrounded by an ocean of destruction and suffering, where they had imposed their methods and their expertise.   I described also the colours of this 'race of painters' (André Malraux), with their 'taptaps' (ramshackle pick-up trucks converted to act as local buses or communal taxis) and their selfless determination to reconstruct a life stone by stone.   I saw  "an admirable people whose nerve is strong enough to stand up to the most appalling privations."  (Danny Laferrière).
    
     Today, even if the surroundings haven't really changed, the atmosphere has.   Small repair operations are being organised all over the place.   The unofficial trade in building materials and equipment is increasing.  Traffic flows more freely and transport by 'taptap' is in full swing.   On the other hand, taxis are more expensive than in Paris - and more rare!

     "Two groups of people have always proceeded side by side but separately - pedestrians and car drivers... for once, in this town bristling with social barriers, everyone moves about at the same pace."  (Danny Laferrière).

     Life is hard in Port au Prince in the humid heat that starts early in the morning.   You sweat, you feel suffocated.   The smell of corpses which had struck me in March has disappeared.   More dogs, no cats, no beggars in the streets.   No aggressive behaviour nor even a feeling of insecurity despite my pockets crammed with dollar bills, essential because all transactions are in cash.   But the most amazing thing, the biggest change, is these lines of little boys and girls in impeccable school uniform, clean and pressed, and well-shod, who promenade at the roadsides everywhere in town.   With the help of UNICEF and other international organisations more than 100, 000 meals are served daily in the schools.

     At the college for 'the little ones of the crossroads' I witnessed the morning return to class.   Hardly had the teachers begun their task before a regiment of ladies, dark and shining of complexion, were attacking their job with knives and soup cauldrons, beneath temporary awnings like everyone else.

      With the headmistress's permission I took several colour photographs, although I personally prefer black and white.

      Haiti, your colours will shine forth again.

      The riddle of my return to Port au Prince implies everything I saw and felt on the spot, but also the determination of French organisations to rebuild the country, bringing technical solutions equally well adapted to the local way of life and to the new challenges.   Now is the moment.   All these children from the streets, with the help of their families, will reconstruct their homelqnd and the word 'cursed' will no longer stick to their skins.

      Quotations: D.Laferrière, 'Everythings happening around me', published by 'Mémoires d'encrier' (Memoirs of a scribbler') 2010.

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