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21 janvier 2024 7 21 /01 /janvier /2024 17:06

Ces mêmes ingénieurs agronomes de l'ORSTOM qui étaient venus me rendre visite au Vénézuela sur la propriété de cinq mille hectares dont j'étais l'administrateur depuis deux ans m'ont demandé de venir les voir à Paris. Je venais de rentrer en France après plus de trois ans à l'étranger et cette convocation m'a étonné par son côté dit urgent.

Je me souvenais qu'ils avaient été impressionné par mon travail réalisé sur cet élevage extensif de trois mille zébus de race Brahmane dans ces immenses plaines au sud de l'Orénoque avec des forêts primaires de la Gran Sabana à la limite de la frontière nord du Brésil; c'était aussi le territoire des Yanomanis. Ils avaient surtout apprécié la façon dont je m'étais adapté à cette nature sauvage et su établir de bons rapports avec les employés vachers les "llaneros" de plusieurs nationalité sud américaine.

En partant ils m'avaient demandé de leur donner une adresse où il pourrait me contacter en cas  de besoin. J'ai reçu un lieu de rendez vous et l'assurance que tous mes frais de déplacements seraient remboursés. La réunion eut lieu dans un appartement du quartier latin où ils m'ont bien briffé sur leur dossier libyen en insistant que j'étais pour eux la seule personne qui pouvait solutionner leur grave  probléme.

Ils avaient crée pour le ministère de l'agriculture de ce pays producteur de pétrole un projet de cultures de légumes dans le désert, notamment des tomates, grâce à des serres en verre sur trois hectares avec un système hydroponique d'irrigation goutte à goutte. Ils se trouvent que les ingénieurs agronomes qu'ils avaient envoyé comme responsable d'exploitation ont démissionné après quelques semaines sur place à Tobrouk .

J'avais beau leur dire que je n'avais qu'un diplôme de technicien agricole obtenu dans une école de sylviculture quand j'ai quitté précipitamment la presse et monté une petite entreprise  d'élagage dans l'Ariège, ils rebattaient tous mes arguments pour renoncer en insistant que j'étais pour eux la derniére chance de faire aboutir ce projet où des millions de francs étaient investis. Pour me convaincre d'accepter ils m'ont assuré que j'aurais une équipe de chercheurs de l' INRA qui trouveraient une solution à tous les problèmes de maraîchages dans ce désert où aucune plante pousse, il suffirait de les contacter. De plus ils me donnaient un diplôme d'ingénieur maison.

Finalement je suis parti à Tripoli et signé un contrat d'un an avec la Jamahyria de Tobrouk. Au bout de deux mois j'ai exigé que ma compagne me rejoigne. J'ai eu l'autorisation de venir la chercher en France mais son passeport ne mentionnait pas qu'elle était mariée. Il a fallu résoudre rapidement le probléme car seul son frère pouvait la faire rentrer en Libye.

On lui a conseillé de déclarer la perte du passeport pour en obtenir un autre où au moment de son acquisition elle signerait son nom bien à gauche du document pour rajouter son nom d'épouse. C'est avec ce faux vrai passeport que nous sommes arrivés à notre domicile prés des serres dans le désert du Jebel Akdhar.

 

 

 

photo serres en verre CMF project

photo serres en verre CMF project

Notre bungalow, un container aménagé avec air conditionné posé sur le sol, était dans la zone réservée au personnel étranger de plusieurs nationalité. Tous les matins je partais avec la Land Rover prêtée par le ministère de l'agriculture libyen rejoindre les plantations de tomates avec la quarantaine d'employés qui exécutaient mes directives des travaux à effectuer.

  J'ai vite compris que la journée de travail effectif était avant la deuxième prière du matin; après c'était l'heure du thé et l’après midi il faisait trop chaud pour s'occuper des plantations. Au campement un autre ingénieur nous avait appris à faire de la bière avec cinquante litres d'eau, dix kilos d'avoine et un kilo de bio malt . Chacun à notre tour on la mettait en bouteilles avec des capsules importées de France.

C'était un régal de la boire bien fraîche et nous avions quelques libyens, des autorités militaires ou civiles, qui venaient chacun à leur tour goûter le précieux breuvage à condition de ne jamais se rencontrer entre eux. C'est ainsi que j'ai connu le responsable du port pétrolier qui m'a permis d'avoir accès à son téléscripteur et de son bureau j 'ai pu communiquer directement avec un code que nous avions défini avant mon départ à l'INRA  pour solutionner les problèmes des cultures qui étaient nombreux .

Au fil des mois je m'étais adapté à ce mode de vie entre expatriés, personnel du ministère  et commerçants en ville; l'ambiance était toujours paisible rythmée par les appels à la prière à condition de ne pas évoquer le nom du président ou de dieu. Finalement j'ai réussi à récolter dix tonnes de tomates qui ont été déposées sur une bâche devant les serres et offertes à tous.

Je suis passé à la télévision devant mes tomates, félicité par le ministre de l'agriculture mais après plusieurs jours elles ont commencé à moisir, presque personne ne venait en prendre. En fait, ils n'avait jamais vu ce légume frais et l'utilisait uniquement en sauce en boîte.

Mon contrat était terminé. Je voulais rentrer et j'avais un billet open sur la Libyan  Air Line qui me permettait de voyager où je voulais quand je voulais. Malgré mes demandes de retour en France au secrétariat de l'agriculture je n'arrivais jamais à faire une réservation de vol. C'est à l'agence de voyage en ville qu'un matin la responsable m'a dit qu'un avion partait à la mi journée pour Paris.

Sans hésité je suis allé prendre un sac de voyage et ma compagne au domicile et j'ai foncé avec ma Land Rover jusqu'à l'aéroport de Benghazi. Le Boeing était en partance ; avec mon véhicule du gouvernement j'ai fait ouvrir le portail d’accès au tarmac et en criant "official, official" j'ai pu faire remettre l'escalier d’accès à la porte de l'avion. C'est ainsi que nous sommes parti en catastrophe mais sain et sauf car j'ai appris plus tard que les officiels libyens ne voulaient plus me laisser partir.

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  • : photographe de presse fut mon premier métier ; avec l'argentique les photos n'étaient pas retouchées. Elles étaient imprimées en noir et blanc comme à la prise de vue, c'était de vrais documents. Aujourd'hui avec le numérique toutes les photos sont retouchées
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