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23 mars 2024 6 23 /03 /mars /2024 17:55

Maintenant au calme et dans l'inaction forcée, retour sur le passé

Mes reportages photo publiés quand j'étais journaliste à Paris

Mes reportages photo publiés quand j'étais journaliste à Paris

Avoir été admis comme photographe d'une agence de presse  parisienne prestigieuse suite à mes reportages en Amérique du Sud et les tirages papier que j'avais effectué au  laboratoire du nouveau Centre Culturel d'Agen avec l'autorisation du directeur n'était que la porte d'entrée d'un métier très exigeant sur la qualité du travail à réaliser souvent dans un environnement difficile. Le reportage de guerre était la spécialité de la maison.

Il comprenait beaucoup de risques bien connu dans ce contexte mais surtout pour moi une absence de moyens financiers qui n'étaient couvert qu'en partie par l'agence. Si le tribunal miltitaire qui m'avait jugé pour insoumission et libéré avec une condamnation de six mois de prison avec sursis me permettait d'aller où je voulais, je n'avais pas la possibilité de payer des transports terrestres ou aérien pour aller sur place faire des photos d'actualité.

J'essayais de vendre directement des articles, texte et photos, à des journaux ou magazines pour éviter les commissions retenues par l'agence; malgré quelques publications qui demandaient beaucoup de temps de prospection je n'avais pas suffisament de finance pour me nourrir et me loger. Ces visites dans des maisons de presse m'ont fait connaître des journalistes et reporters qui appréciaient mon travail .

L'un d'eux m'a invité à partager son appartement dans le seizième, au bord de la Seine  et j'ai commencé à mieux connaître la vie parisienne des grands bourgeois de la capitale. Je fréquentais les restaurants et autres lieux à la mode . Une amie m'a présenté au cours d'un diner le dernier consul du Brésil à Saïgon. Nous avons sympathisé et nous nous sommes revus à plusieurs occasions. J'ai compris que son poste de diplomate au Vietnam l'avait mis en contact avec le Vietcong.

Il était farouchement anti américain, révolutionnaire, et la lutte de l'IRA contre l'empire britannique l’intéressait particulièrement, moi aussi mais pas pour les mêmes raisons. Dans les rédactions que je fréquentais, les bars de journalistes de la rue Réaumur, l'Irlande et Belfast étaient dans toutes les conversations; il allait s'y passer quelque chose de grave.

J'avais retrouvé mon ami brésilien comme à l'accoutumé à la terrasse d'un café de Beau bourg . Lui aussi était convaincu qu'un événement majeur allait commotionner la capitale de l'Irlande du Nord. Fallait y aller au plus vite pour couvrir cette actualité en tant que reporter d'agence et lui comme fixeur accompagnateur. On était bien d'accord.

Cependant il me manquait le nerf de la guerre, sans argent pas moyen de partir. Il m'a dit " tu restes là jusqu'à mon retour, tu ne bouges pas" et il m'a quitté. Deux heures plus tard il est revenu et m'a mis un paquet de billets sur la table. " Trois mille francs ça ira?",  sans les compter je les ai mis dans la poche du jean . Nous avons pris le train pour Dunkerque avec un sac de voyage et mon Nikon.

Le lendemain nous arrivions à Belfast et pris une chambre dans l'hôtel International qui était un camp retranché contrôlé par des militaires. Ils fouillaient à l'entrée tous les bagages et j'ai présenté ma carte de presse. Plus tard je suis allé au camp des forces spéciales qui surveillait la ville pour me présenter au commandant; pas de problèmes, je pouvais photographier où je voulais. Il m'a quand même mis en garde sur la dangerosité des terroristes de l'Armée Révolutionnaire Irlandaise.

  Tout était calme autant dans l'hôtel qu'à l'extérieur. Lui est allé au bar et moi après le repas je suis sorti en ville avec mon appareil photo et ma quena.  J' ai marché vers le quartier catholique et comme j'avais l'habitude dans les Andes j'ai joué de la flûte. Mon concert qui résonnait dans le silence nocturne n'a pas duré longtemps.

Soudain devant moi un puissant phare m'aveuglait et j'ai voulu faire demi tour, sauf qu' un autre véhicule me fonçait  dessus dans l'autre sens. J'ai vu des soldats en sortir, mettre un genoux en terre, fusil mitrailleur à l'épaule et crié "lay down" couches toi. Dans mon dos une main m'a poussé et je me suis allongé sur le ventre.

J'ai du écarter les jambes et étendre les bras. Quand l'officier a voulu prendre l'appareil photo que j'avais en main je l'ai retenu en serrant les doigts et dit "press reporter". Il a marqué un temps d'arrêt et j'ai pu dire le nom du commandant que j'avais vu au camp. Une conversation s'est engagée et je me suis excusé de n'avoir pas respecté le couvre feu. Une fois debout je les ai salué avec de nombreux "sorry" et suis rentré en silence à l'hôtel.

Le lendemain matin en milieu de matinée tous le centre de Belfast explosait . De nombreuses bombes projetaient dans le ciel gris des panaches de fumées et c'est vers eux que je courrais pour photographier ce qui restera dans l'histoire de l'Irlande comme le "bloody friday".  J'avais réussi à faire mon premier reportage de guerre et fallait ramener au plus vite le négatif à Paris.

Le premier avion partait le lendemain. Samedi matin personne à Gamma et c'est à Paris Match que j'ai laissé la pellicule qui est parti au labo. Revenu dans l’après midi le journaliste de permanence à la rédaction m'a donné un reçu de dépôt en me garantissant la qualité du reportage qui allait être publié et payé dés lundi. 

 

 

Les journaux du Dimanche n'ont pas publiés en premiére page les explosions des bombes à Belfast et les radios n'ont pas fait de commentaires sur les victimes des attentats dans le centre ville. Dés le lundi j'ai compris qu'il y avait une sorte de black out dans la presse sur cette actualité. Paris Match ne publierait pas de photos sur cette actualité. J'ai repris mon négatif avec un petit dédommagement de principe sur l'engagement pris au dépôt de la pellicule.

En fait s'était la première fois  depuis la fin de la guerre qu'une armée s'attaquait à des civils. Cet acte barbarie ne pouvait pas être porté à la connaissance du grand public. J'ai bien eu d'autres garanties de dépôts dans des rédactions de la presse étrangère mais aucune publication avec achat de droit d'auteur. Seul le directeur de Sygma m'a dit " si t'étais venu ici en premier je t'achetais le négatif cinq mille francs".

J'avais raté mon scoop et par la même occasion mon entrée dans la profession de reporter de guerre. Avec le recul, ce fût une chance car je suis toujours en vie aujourd'hui contrairement à beaucoup d'autres qui l'on perdue en allant la photographier cette tueuse.

Mon négatif du Bloody Friday développé à Paris Match
Mon négatif du Bloody Friday développé à Paris Match

Mon négatif du Bloody Friday développé à Paris Match

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  • : photojournalisme
  • : photographe de presse fut mon premier métier ; avec l'argentique les photos n'étaient pas retouchées. Elles étaient imprimées en noir et blanc comme à la prise de vue, c'était de vrais documents. Aujourd'hui avec le numérique toutes les photos sont retouchées
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