Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
14 janvier 2024 7 14 /01 /janvier /2024 12:49
reproduction d'une image d'IA

reproduction d'une image d'IA

Elle était magnifique entièrement faite à la main, sans un clou. Je n'avais qu'une machette et tous les matériaux sortaient de la forêt vierge qui nous entourait.

Je l'avais construite pour que notre fils ait un toit; on avait l'eau d'un petit ruisseau qui coulait en contre bas. Les cœurs de palmier en abondance sous les grands arbres nous assuraient les hors d’œuvre de nos repas et le riz complet cuisiné au feu de bois l'essentiel de notre alimentation avec du soja, quelques oignons avec la fuba.

Ce lieu était magique car une imposante cascade tout proche était fréquentée par les adeptes du Candomblé qui venaient de temps en temps faire des cérémonies en hommage aux esprits de cette jungle inhabitée dont nous étions en quelque sorte les gardiens. Ils ne cherchaient pas à nous contacter mais plusieurs fois nous avons trouvé des cadeaux sur le chemin à notre domicile, un ancien four à charbon de bois creusé sur le versant de cette petite vallée.

On vivait là en compagnie de quelques singes, d'oiseaux multiples, de papillons et de serpents dont le corail à la morsure mortelle . On avait aussi le gros crapeau prés du point d'eau, parfois furtif la couleuvre verte et le jaguar qu'on ne voyait jamais ou la panthère noire qu'on entendait rarement à la tombée du jour.

Notre plus proche voisin à plus d'une heure de la forêt, un "caboclo" solitaire mais sympathique nous avait dit que la "onça" pouvait nous prendre notre futur bébé. ce n'était pas encore l'heure d'y penser.

Je faisais régulièrement des descentes à Sao Paulo pour gagner quelques argent comme photographe de presse au journal Estado de Sao Paulo; un ou trois jours en ville deux fois par mois me suffisaient pour reprendre contact avec la civilisation et sentir le besoin impérieux de regagner le domicile fait de terre, de branches, bambous et lianes. Le béton et le bitume sentaient trop mauvais, sans parler des moteurs de Coccinelles innombrables dans les rues de l'avenue Paulista 

Nicky m'attendait et je ne pouvais pas la laisser longtemps seule bien qu'elle se soit rapidement adaptée à cette vie d'indienne. 

J'avais cette fois besoin d'argent pour acheter ce qu'il fallait à notre futur nouveau né. Ce n'était plus possible d'attendre au bord de la route un transport pour aller en ville chercher un travail qui permettrait de subvenir à nos besoins en forêt; il fallait d'abord payer l'autobus pour aller et revenir. Une centaine de kilomètres.

Malgré ma réticence a être de nouveau photographe de presse, mon ancien métier, je me suis décidé un matin à rencontrer  le rédacteur en chef du plus grand quotidien brésilien. J'avais mis mon pantalon blanc, ma chemise bleue pour aller à la réception  au premier étage de cet énorme bâtiment  grouillant de monde et d'activité fébrile.

La secrétaire a écouté mon discours avec attention car je me suis présenté comme un journaliste français à la recherche d'un emploi: j'allais être père d'un petit brésilien et je devais trouver rapidement une activité rémunérée. Le patron m'a reçu dans son bureau avec le "cafézinho" et écouté mon histoire avec attention.

Mon expérience professionnelle l'a surtout intéressée pour ce qu'elle concernait le photo journalisme: comment un quotidien de province française passé de la typographie à l'offset a pu  augmenter en quelques mois son tirage. Mes photos des actualités locales ont contribué à cette réussite ; je lui ai aussi parlé de mon emploi au nouvel hebdomadaire à Belize, The Reporter, qui a su trouver rapidement ses lecteurs anglophones. Malgré tout cela il n'avait pas pour l'instant un poste pour moi dans son journal. Par contre il m’appellerait au cas ou quelque chose se présentait.

Je descendais vers la sortie ces mêmes escaliers que j'avais gravi une heure plus tôt plein d'espérance quand quelqu'un me tape dans le dos et m'interpelle:"oh, francés, le chef de rédaction du service des sports veut te voir, urgent. Suis moi". Il me fait rentrer dans son bureau. Après les salutations d'usage, en toute hâte, le journaliste me tend un télex de quelques lignes titré urgent.

Je lis. Il s'agit d'un accident de la circulation survenu au grand champion Emerson Fitipaldi, héros national, à la périphérie de Lyon. Il m'explique que cette dépêche va faire la premiére page demain et veut des informations sur les circonstances de ce fait divers. Je ne sais pas trop quoi dire pour faire un article et d'un coup me dit: " bon t'es photographe. Tu vas accompagner le rédacteur chez les Emerson et tu me fais de bonnes photos" .

Et nous. voilà parti avec la voiture et le chauffeur de O Estado de Sao Paulo. Arrivés sur place dans la périphérie des beaux quartiers de la capitale, toute la presse écrite et parlée, les télés sont là compactes autour de la maison de famille de la célébrité pauliste. On se fraye un chemin jusqu'à l'intérieur du domicile et je fais quelques photos de la mère du champion  au téléphone. Rien d'extraordinaire.

Ensuite le père d'Emerson demande au journaliste du Estadao de l'accompagner jusqu'au sous sol, la salle des trophées et diverses coupes gagnés par son fils. Je les suis dans cette antre; il y a aussi des reproductions de  photos notamment une d'un accident à Indianapolis où la formule Indy de Fitipaldi passe au dessus d'un autre véhicule. C'est une illustration d'un accident et j’attends le moment pour faire ma photo.

Il y a très peu de lumière mais voilà que monsieur Emerson se place devant l'abats jour avec une main sur le visage. Je règle vitesse et diaphragme au mieux . J'ai ma photo.

On rentre au journal, je laisse la pellicule au responsable du service des sports et je rentre Rua Bela Cintra à mon domicile en ville. Le lendemain je reviens au journal et dés l'entrée je reçois des félicitations du personnel présent. Ma photo a fait la premiére page du Estado. Je suis devenu le photographe français du plus grand quotidien brésilien.

J'ai plusieurs propositions pour partir en reportage mais ce qui m'intéresse surtout c'est d'être payé maintenant; le service comptabilité me donne mes premiers billets en cruzeiros et un peu plus tard je suis à la gare routière pour revenir au Alto da Serra.

ma photo à la une

ma photo à la une

Le photojournalisme s'apprend sur le tas par la pratique.Il s'agit de faire des photos pour un journal. C'est au grand café de ma ville lors d'un apéritif bien arrosé qu'un ami journaliste m'a suggéré d'aller voir le directeur du quotidien local; son nouveau Le Petit Bleu passait de la typographie à l’Offset et il cherchait un photographe pour illustrer les articles des pages départementales et des sports.

Je me suis fait prêter un appareil photo, tiré quelques clichés dans les rues, développés au labo professionnel de mon ami et j'ai pris rendez-vous pour me présenter au directeur. Il a apprécié mes tirages et m'a demandé si je pouvais faire des légendes. J'ai rédigé sur le champ quelques phrases qu'il a trouvé intéressantes.

Il m'a proposé de faire une semaine à l’essai à la rédaction de son quotidien. Il m'a fourni un Rolleiflex et une mobylette pour commencer mes reportages. A cette époque une sirène appelait les pompiers à chaque accident de la circulation ou autres événements dramatiques et je pouvais être sur place en même temps qu'eux; je faisais des photos d'actualité brûlantes avec des commentaires circonstanciés. Du vrai journalisme.

Jour après jour, semaines après semaines, je me suis passionné pour ce métier, travaillant sept jours sur sept plus de douze heures par jour. J'avais la satisfaction de constater que le journal avait de plus en plus de lecteurs et le tirage augmentait.

J'étais devenu photographe de presse et je savais pouvoir exercer mon métier dans le monde entier.

Cette nouvelle activité professionnelle de photographe de presse pigiste à Sao Paulo facilitait le paiement des transport en autobus de la forêt à la ville et les déplacements dans les environs pour préparer l'accouchement; il a fallu finalement se résoudre à le faire en clinique.

La communauté des français expatriés dans la capitale pour implanter au Brésil leurs entreprises était au courant de notre présence. Ils nous invitaient à des repas bien arrosés et nous demandaient de raconter nos aventures avec les indiens des Andes; ils étaient curieux de savoir comment on avait pu faire autant de kilomètres à pied dans des régions inhabitées. Ils avaient du mal à comprendre notre mode de vie, certains étaient admiratif de notre périple à travers plusieurs pays avec juste un sac à dos.

Par contre pour ce qui était de la naissance de notre fils ils voulaient absolument qu'il est droit à la nationalité française. Je n'avais pas vraiment d'arguments à opposer cette nécessité; il était déjà brésilien enregistré au nom de Pedro, cela me semblait suffisant.

Leur insistance au fil de nos rencontres m'a conduite un matin au Consulat de France pour y déclarer Pedro. Le consul m'a reçu dans son bureau. Je lui ai présenté mon passeport pour m'identifier comme étant le père et sa réponse après un long silence: " Mais monsieur cela fait trois ans qu'on vous recherche. Vous avez quitté la France sans faire votre service militaire et je dois saisir votre passeport".

Il m'a expliqué que j'étais en état d'arrestation et que son devoir l'obligeait de me conduire à l'aéroport d'où je serais déporté par le prochain avion d' Air France pour être remis aux autorités militaires  qui m'attendraient à mon arrivée dés que je serais sur le sol français.

Il m'a laissé le temps de revoir mon fils, faire mes adieux avec ma promesse de revenir au consulat le plus tôt possible. J'ai bien envisagé de ne plus le revoir mais avec Nicky on a du se rendre à l'évidence: sans identité il valait mieux rentrer. Ce que nous avons fait.

Ainsi après quelques péripéties dans un camp disciplinaire je me suis retrouvé dans une cellule de haute sécurité d'un hôpital psychiatrique militaire où j'avais enfin la paix. Pour ceux qui ne connaissent pas, cette cage fait moins de dix mètres carrés avec une banquette en ciment et des toilettes à la turque; le plafond est haut avec un œil de bœuf fermé de barreaux pour tout éclairage. La porte en bois massif a une petite ouverture qui s'ouvrait trois fois par jour pour servir des "repas".

Photo internet cellule d'isolement

Photo internet cellule d'isolement

J'ai regardé hier sur Internet Alto da Serra. J'ai trouvé une page concernant une auberge qui avait l'air de se trouver proche de l'endroit où j'avais construit ma premiére maison.

Toute la région était inondée par une immense retenue d'eau, la "represa de Paraimbuna". Déjà à l'époque j'avais entendu parler de ce projet qui interdisait toute construction dans la zone; quelques jalons plantés dans la forêt indiquaient jusqu'où l'eau devait monter. J'avais pris soin de bâtir juste au dessus de ces quelques repères.

notre cascade en bas du domicile ressemblait à ça

notre cascade en bas du domicile ressemblait à ça

Le site de la "pousada" donnait un numéro de téléphone: j'ai appelé. Pas facile d'évoquer avec un inconnu une histoire vieille d'un demi siècle. Il m'a quand même écouté et lorsque j'ai prononcé le nom de la personne qui nous avait aidé lors de notre retour en forêt, ça a fait tilt. Il se souvenait de son mari.

On va essayer de se rencontrer pour faire parler notre mémoire dans un décors qui n'a plus rien à voir avec notre premier domicile dans la forêt primaire du Alto da Serra

copié sur wikipedia

copié sur wikipedia

D'abord revenir au consulat pour être déporté en compagnie de mon fils et de sa mère qui eux avaient dû payés le billet d'avion. Tout le personnel de l'ambassade présent ce matin là nous avait accompagné jusqu'à l'aéroport et fait le nécessaire pour nous mettre au pied de l'avion en partance pour Paris.

Une dernière poignée de main avec le consul qui me glisse à l'oreille " vous avez une chance de vous faire réformer en France cela vous évitera des ennuis". Je n' ai jamais oublié ce conseil encourageant pour mon retour mais lorsque mon pied droit à quitter le sol du Brésil je me suis juré d' y revenir un jour.

C'est quinze ans plus tard que j' ai pu réaliser cette promesse avec vint mille dollars dans mon slip.

l'état du château a son achat et le puits où je prenais l'eau. photo guy capdeville
l'état du château a son achat et le puits où je prenais l'eau. photo guy capdeville

l'état du château a son achat et le puits où je prenais l'eau. photo guy capdeville

J'allais encore au lycée Bernard Palissy, de moins en moins, mais j'avais promis à ma mère de passer mon bac philo en échange de ses démarches au greffe du tribunal d'Agen pour me donner mon émancipation anticipée; normalement c'était à dix huit ans et je ne les avais pas encore. Avec ce document j'ai pu signer chez le notaire l'achat d'une maison en ruine dans un village sans habitant sinon trois personnes âgées qui survivaient là sans eau ni électricité.

C'était surtout un refuge à l'écart de la société de consommation que j'avais choisi de bannir de mon avenir avec tout le modernisme qui faisait fureur à l'époque avec l'arrivée de l'automobile et des supermarchés partout sur le territoire de notre hexagone. Ce village fortifié avait vécu prospère  durant de nombreux siècles depuis la Guerre de Cent Ans mais les maisons en pierre , le château, les rues et venelles étaient à l'abandon, envahies d'orties et de ronces.

L'exode rural qui sévissaient dans nos campagnes en raison d'une mécanisation forcée, du remembrement des petites parcelles agricoles qui permettait une autarcie ancestrale faite d'échange et de troc n'arrivait plus à fonctionner, ne donnait pas assez d'argent pour payer les compteurs d'électricité , parfois d'eau, récemment installés. Beaucoup partaient à la ville chercher du travail dans des usines ou administration qui leur permettaient de profiter d'un éclairage au néon, du formica, d'une salle de bain et d'un modernisme qui annonçait une vie meilleure pour tous.

Ce n'était pas ce que je recherchais, plutôt le contraire et cette maison était un laboratoire pour apprendre à vivre comme au Moyen Age avec une cheminée comme cuisine et un évier en pierre pour faire la vaisselle, se laver en vitesse. Fallait pas gaspiller l'eau du puits profond que je remontais dans un sceau sur la place du château ni les pommes de terre avec les os à moelle qui mijotaient dans la marmite suspendue à la crémaillère.

Les voisins en dehors du rempart ne manquaient pas d’appeler les gendarmes chaque fois que d'autres vagabonds, artistes ou marginaux animaient des fêtes nocturnes arrosées de mauvais vin. Pour moi ce village fût l'ouverture d'une route céleste qui continue d'éclairer ma destinée, au présent au passé et pour l'avenir. 

J'étais en Libye en mission pour l'Office de Coopération Technique et Scientifique quand j'ai pu acheter une partie du château de Saint Orens en ruine, un rêve d'adolescent, et dés mon retour dans le Gers, j'ai entrepris la restauration de ce bâtiment du treizième siècle. Les journées étaient longues et le travail avec de la pierre, de la chaux, du sable n'avançait pas vite. Peu importe, il se faisait.

Une fin d’après midi est apparu sur mon chantier de la place du château un vieux break Volvo et le chauffeur m'a adressé la parole: " mon fils Claude est au Brésil. Il m'a demandé de venir vous voir car il aurait besoin de vous pour exporter du granit de Bahia.Si vous acceptez, il m'a dit de vous donner vingt mille dollars en liquide pour le rejoindre le plus tôt possible".

Évidemment je n'ai pas hésité et la semaine suivante j'ai débarqué à l'aéroport de Salvador avec deux paquets de dollars dans le slip.  

ma photo de la carriére de granit à Joa Amaro

ma photo de la carriére de granit à Joa Amaro

Une nouvelle fois je franchissais le porche d'entrée; j'ai été reconnu de suite malgré les années écoulées et conduit dans le bureau de commandant. Comme j'avais l'habitude je l'ai salué d'un" mes respect mon commandant"et m'a dit de m'assoir.

" Tu nous a bien fait chier pendant trois ans" fut sa premiére phrase. Il m'a demandé de raconter mes voyages, tous les pays que j'avais connu et la conversation s'étirait en longueur. Soudain il regarde sa montre, midi et demie. "Bon, ils sont en train de manger. On va pas t'embarquer de suite. Promets moi que tu reviendras Lundi matin pour t’amener à ta caserne". " vous pouvez compter sur moi mon commandant".

Et c'est ainsi que j'ai obtenu deux jours supplémentaire de liberté avec la protection des forces de l'ordre.

Reproduction de la gendarmerie d'Agen, internet Retro Photo

Reproduction de la gendarmerie d'Agen, internet Retro Photo

Comme promis je suis revenu voir les gendarmes qui m'ont accompagné à pied jusqu'à  la gare d'Agen. Notre arrivée a fait sensation dans le hall: un malfaiteur sous escorte ne passe pas inaperçu. Deux d'entre eux sont montés dans le train avec moi. On se connaissait du temps où j'étais journaliste et ils ne comprenaient pas pourquoi j'avais abandonné mon métier, ma famille, mon pays pour aller vivre chez les Indiens d'Amériques.

Je leur racontais comment on avait traversé les Andes, les déserts , les jungles et que j'allais y repartir. Au prochain arrêt du train je m'évade. Vous ne me rattraperez pas. Je leur ai dit qu'il valait mieux me mettre les menottes, ils ne voulaient pas. A force d'insister ils se sont finalement exécutés et c'est dans cette état, avec les bracelets, que nous avons traversé la gare de Bordeaux.

Un fourgon nous attendait sur le parking avec un motard de la gendarmerie. Ils m'ont invité à y monter à l’arrière, repris leurs menottes, fermé la porte grillagée et nous sommes partis. Bientôt la ville a disparu et cet fût la forêt de pin avec son odeur particulière qui m'indiqua que nous étions dans les Landes.

Presque une heure de trajet. Le fourgon s'arrête, la porte s'ouvre, je descend. Devant moi un grand portail Camp de Souge.

Un militaire sorti du camp me prend par le bras et me fait rentrer en disant aux gendarmes " on vous le rendra dans un an et demi". C'était le régime pour les insoumis, l'armée dans un bataillon disciplinaire puis la prison, deux ans au civil. Cette simple phrase m'a permis de comprendre que j'entrais en résistance.

Cette entrée aussi remarquable à Souges n'est pas passée inaperçu. Tous les militaires présents dans la cour, plusieurs centaines par petits groupes en exercice dont certains rampaient au sol, d'autres en défilé au pas chantant " nous sommes les descendants des régiments d'Afrique, ont marqué un temps d'arrêt pour la nouvelle recrue.

Le gradé m'a confié à un autre qui m'a conduit dans un petit dortoir avec six lits doubles métalliques superposés. Je suis resté là assis jusqu'à ce quelqu'un en treillis m’amène au réfectoire; ils étaient tous là dans un beau chahut et mon entrée a suscité un bref silence.

Je me suis assis en bout d'une table vide et j'ai attendu; au bout d'un moment quelqu'un m'a dit d'aller manger. Je n'ai pas réagi. Pour eux le repas était terminé, pour moi il m'avait pas commencé. Ils sont tous sortis et on m'a prié d'aller dehors. Je me suis accroupi là comme j'avais l'habitude de le faire quand il pleut chez les Aymaras avec le poncho sur la tête pour attendre que le mauvais temps passe.

Un militaire est apparu en criant "qu'est ce que tu fous là?". Je n'ai pas répondu; il en a appelé un autre qui m'a conduit chez le coiffeur. Puis on m'a donné un pantalon chemise pull et ordonné de me mettre en tenue. Je crois que c'est la seule fois où j'ai obéi. J'ai eu du mal à retrouver la chambrée après plusieurs stations accroupis n'importe où et toujours prié d'aller ailleurs sans me dire à quel endroit exactement.

La nuit est arrivée; j'ai vu la chambrée se remplir et ils m'ont posé beaucoup de questions. Je n'ai répondu à personne et quand ils ont été tous couchés, je me suis accroupi dans un coin en attendant le jour se lever. Ils sont partis au petit déjeuner et me suis allongé sur un matelas .

Plus tard quelqu'un est entré dans la chambrée en hurlant "qu'est-ce que tu fous là". Il a empoigné violemment  le bord du lit pour me faire tomber mais un morceau de fer lui a arraché la peau. Il est reparti en saignant et jurant. Je n'ai pas bougé. J'avais entendu que mes compagnons de chambrée ne voulait plus dormir là et s'étaient plaint au gradé que j'étais fou. Je sentais qu'il allait se passer quelque chose.

Finalement dans le courant de la matinée quelqu'un est venu me voir et m'a demandé gentiment de l'accompagner: " le commandant veut te voir". Je l'ai suivi jusqu'au bureau du chef. Dés l'entrée j'ai été surpris par sa courtoisie: " asseyez vous monsieur s'il vous plait". Ce que j'ai fait en face de lui.

Il a commencé par me dire qu'il était au courant du périple et des longues marches que j'avais fait en Amérique. Il savait que j'étais photographe de presse avant mon départ et m'a carrément avoué que l'armée avait besoin de personnes comme moi. Il m'a proposé d'entrée aux Services Cinématographiques des Armées. Je savais ce que cela impliquait pour la promotion de ma carrière professionnelle. J'hésitais à répondre.

Puis il m'a dit "pour cela vous devait d'abord faire vos classes de militaire pour rentrer dans l'armée". Je n'ai pas répondu. Un long silence a suivi. Il a pris son téléphone et m'a demandé de sortir.

Quelques instants plus tard une ambulance avec la croix rouge m'attendait pour me conduire à l'Hôpital militaire de Robert Piquet. Sans rien exprimer, je ressortais du camp disciplinaire ni voir personne pour faire des adieux "aux copains".

Je n'étais pas pressé, pas plus que de sortir de ma cellule d'où j'entendais des cris et des hurlements à l'extérieur; je savais que je ne serais plus jamais militaire. J'ai du y rester plus d'une semaine avant de rejoindre la salle commune et porter un pyjama bleu. Ce n'était plus la tranquillité; de vrais malades avec des crises d' épilepsie  ou de délires paranoïaques nécessitaient l'intervention urgente d'infirmiers militaire.

photo wikipédia

photo wikipédia

J'avais mon lit dans le coin gauche de la salle. Allongé sur mon bras face au mur je ne voyais pas tout ce qui se passait dans cette infirmerie psychiatrique. J'évitais les contacts avec les autres malades, je ne parlais à personne ni dans le dortoir ni au réfectoire; je gardais le silence pour cultiver ma folie.

Les médecins colonels, psychiatre, psychologue, neurologue me faisaient des consultations le matin et me donnaient des cachets que je ne prenais jamais. J'avais aussi des prises de sang et des tests encéphalogrammes qui me laissaient indifférent. Je restais souvent accroupi au pied d'un arbre dans la cour.

Au coin du lit je nourrissais une petite sourie qui venait de temps en temps me rendre visite en toute sympathie. Sa présence me remettait dans un état normal de goût pour la vie. Il m'arrivait la nuit de quitter mon pyjama et de sortir furtivement nu dans la cour. Je grimpais sur les branches du grand cèdre pour regarder le ciel. J'étais au calme comme toutes ces nuits passées sur le sol de lieux inhabités dans mon sac de couchage, les yeux dans les étoiles.

Le plus mémorable fût cette confrontation avec la sentinelle armée qui montait la garde nocturne et c'est rendu compte de ma présence en haut de l'arbre. Il a pointé son fusil sur moi et m'a demandé de descendre, ce que j'ai fait lentement avec précaution. Arrivé au sol, j'ai marché vers lui et m'a gardé en joue . Dés mes premiers pas il a commencé à reculer en marche arrière en me disant " mais je te connais, je te connais". Manifestement les fous font peur en France et j'avais la preuve évidente de cette vérité.

Les journées, les semaines passaient sans aucun contact avec l’extérieur, monotones. J'avais quand même un ami qui attendait aussi sa réforme en simulant des crises de désespoir; on était complice pour garder le moral en parlant philosophie et ethnologie.

Durant une matinée ensoleillé je déambulais comme d'habitude dans cette longue véranda le long de la cour intérieure quand j'ai vu à l'autre bout une blouse blanche qui venait vers moi. Elle s'est approchée de moi . Au moment de se croiser elle m'a dit "suivez moi". Je n'ai pas réagi et continué mes pas .

J'ai fait demi tour ne pouvant pas aller plus loin et je suis arrivé devant sa porte qui était ouverte; on s'est regardé dans les yeux et j'ai compris que je pouvais rentrer en confiance. Il m'a dit "asseyez vous, je vous réforme". J'étais de nouveau libre.

Le soir dans une rue de Bordeaux je suis tombé sur un spectacle de Jérôme Savary; c'était une représentation théâtrale du Grand Magic Circus. Je me suis mêlè aux acteurs pour participer à ce délire comme un fou.

Revenir au Brésil dans ces conditions après tant d'années d'absences avait le goût savoureux d'une revanche . Dans l'avion qui survolait la baie de Bahia avant d’atterrir à Salvador, j'admirais les plages atlantiques et cette mer intérieure qui me faisait penser au Bassin d'Arcachon où j'ai passé mon enfance, la ville s'étendait tout autour, immense.

Le paquet de billets verts que j'avais entre les cuisses me préoccupait un peu, c'était le double de la quantité autorisée par l'administration des douanes. Il n'était pas visible, je crois. J'ai suivi le flot de touristes, passé le contrôle de police sans difficulté et me suis retrouvé à l'extérieur de l'aéroport assailli par un essaim de chauffeurs de taxi.

J'ai attendu que le flot des voyageurs disparaissent. Dans le calme revenu j'ai remarqué une jeune femme qui avait une petite table pliante avec un écriteau " hoteis, apartamentos". Je ne parlais plus portugais mais l'espagnol couramment; je me suis fait comprendre sur mon besoin d'aller me reposer dans un endroit tranquille. Elle m'a parlé du Porto da Barra.

Justement elle avait une amie qui louait un petit appartement prés de ce port de pêcheurs dans un quartier facile d’accès proche du centre ville; elle a téléphoné, il était libre. Un taxi "fusca" m'a conduit jusque là.  Depuis ce jour j'ai passé plus de cinq ans dans ce coin de la capitale de l'état de Bahia; sans aucun doute mon lieu de résidence où j'ai vécu le plus longtemps en continu.

Revenir au Brésil dans ces conditions après tant d'années d'absences avait le goût savoureux d'une revanche . Dans l'avion qui survolait la baie de Bahia avant d’atterrir à Salvador, j'admirais les plages atlantiques et cette mer intérieure qui me faisait penser au Bassin d'Arcachon où j'ai passé mon enfance, la ville s'étendait tout autour, immense.

Le paquet de billets verts que j'avais entre les cuisses me préoccupait un peu, c'était le double de la quantité autorisée par l'administration des douanes. Il n'était pas visible, je crois. J'ai suivi le flot de touristes, passé le contrôle de police sans difficulté et me suis retrouvé à l'extérieur de l'aéroport assailli par un essaim de chauffeurs de taxi.

J'ai attendu que le flot des voyageurs disparaissent. Dans le calme revenu j'ai remarqué une jeune femme qui avait une petite table pliante avec un écriteau " hoteis, apartamentos". Je ne parlais plus portugais mais l'espagnol couramment; je me suis fait comprendre sur mon besoin d'aller me reposer dans un endroit tranquille. Elle m'a parlé du Porto da Barra.

Justement elle avait une amie qui louait un petit appartement prés de ce port de pêcheurs dans un quartier facile d’accès proche du centre ville; elle a téléphoné, il était libre. Un taxi "fusca" m'a conduit jusque là.  Depuis ce jour j'ai passé plus de cinq ans dans ce coin de la capitale de l'état de Bahia; sans aucun doute mon lieu de résidence où j'ai vécu le plus longtemps en continu.

Comme annoncé, au bout de l'avenue, une plage avec quelques barques était très fréquentée, le jour par des baigneurs et la nuit par des noctambules qui faisaient la fête en musique au son des tambours. Je ne voulais participer à ces activités; mon but était rejoindre la ville de l'intérieur où je devais rencontrer celui qui me conduirait à l'emplacement de la carrière à exploiter.

L'appartement et sa propriétaire, mère et fille, me donnait confiance sur la sécurité de mon nouveau domicile. J'ai laissé ma valise avec mes affaires et le paquet de dollars pour partir un matin à la gare routière rejoindre à l'intérieur des terres mon guide à qui j'avais annoncé mon arrivée .

Il vivait dans une petite ville perdue au milieu d'un semi désert appelé "sertao". Il n'avait pas plu depuis plusieurs années; le paysage fait de poussière et d'épineux desséchés n'était pas très accueillant. De loin en loin des carcasses de bétail agglutinaient des bandes de vautours, seuls survivants de cette sécheresse inhabituelle dans cette région.

La recontre eut lieu à ma descente de l'autobus; de suite j'ai compris que Nicanor, un peu comme Zorba le grec dans un film fameux, allait m'aider pour cette mission d'ouvrir une carrière et préparer l'exportation des blocs par le port de Salvador.

Il m'a conduit avec son véhicule Ford en piteux état sur des pistes ensablées bordées de clôtures rouillées durant plus d'une heure de route en allant prudemment jusqu'au bord du rio Paraguaçua où des blocs de granit énormes s'entassaient plus ou moins enfouis sur les berges jusqu'au lit du fleuve qui se jette au fond de la baie de Bahia. 

On a fait une visite sur ce terrain dont le Ministère des Mines et Énergie de l'état de Bahia avait donné une autorisation d'exploiter une carrière. Cette premiére approche nous avait donné une idée du travail à effectuer: commencer à dégager les blocs les plus accessibles en creusant tout autour puis à l'explosif faire des parallélépipèdes entre cinq et dix mètres cubes chacun.

Sur le chemin du retour j'ai du demander un arrêt pour soulager ma vessie. C'est à ce moment que je me suis souvenu de ma traversée du désert de Sonora pour rejoindre les États Unis quand là aussi mon urine faisait au sol des perles de poussières qui  roulaient en contre bas sans rentrer dans la terre.

Depuis quelques jours de nouveau sur la route vers le nord du Mexique pour rejoindre la Californie où je devais me procurer un travail qui me permettrait de traverser l'Océan Pacifique, j'étais seul à marcher à travers ces villes écrasées de chaleur le long de cette Panaméricana interminable. J'avais laisser ma compagne à Mexico dans une auberge de pacotille du centre ville.                                                                                                                      On s'était quitté un matin avec la promesse de se revoir un jour. Notre grande aventure commune à travers l'Amérique du Nord et Centrale qui avait commencé à New York une année auparavant  quand je l'avais rejointe pour mes premiers congés professionnels se terminait là. 

Elle devait rentrer en France pour des raisons personnelles . Je lui avais expliqué que la meilleure façon de le faire était  d'aller au Consulat de France pour déclarer d'avoir été abandonnée sans ressources par son compagnon qui était parti sans prévenir. C'est seulement six mois plus tard que j'ai appris qu'elle avait pu revenir chez ses parents.

Ma solitude avait complétement modifié mon mode de vie et de subsistance mais j'avais décidé de quitter la grand route pour connaître ces villages où vivaient des communautés indiennes  Tarahumaras  dans l'état du Chihuahua comme on avait l'habitude de le faire dans le sud du pays. Je voulais connaître les Yaquis.

Seul avec mon sac à dos je n'étais pas toujours bien reçu par les habitants de ces villages perdus qui se méfiaient des "gringos". Je trouvais peu de nourriture et de boisson de  qualité; mon alimentation était surtout de pastèques et "tortillas" .

J'ai quand même entrepris la traversée du désert de Sonara; c'est là qu'un matin après une nuit à la belle étoile, une pluie inespérée a couvert le sol en quelques heures de milliers de fleurs ont colorées le paysage de tous côtés. Quel spectacle magnifique qui m'a motivé pour continuer sans pour autant me remplir le ventre.

Le jour suivant j'ai abordé un hameau de quelques maisons  en briques crues le long de la piste et j'ai demandé au seul habitant rencontré si j'étais bien sur la route vers la frontière US. Il a confirmé. Très peu de véhicules passaient là mais la dysenterie et la fatigue m'ont fait poser mon sac à terre bien décidé à ne pas aller plus loin.

Je suis resté là allongé, fatigué, sans bouger, plus de trente heures quand en milieu de matinée une Kombi WW passe devant moi. Je réagis lentement et une centaine de mètres plus loin elle fait demi tour. Arrivée à ma hauteur le chauffeur par la portière me dit " where you go?". Je répond "US"- " Très bien, nous aussi, venez avec nous".

C'est avec eux dans ce Kombi hippies après deux jours de voyage, passé la frontière à Tijuana, que j'ai débarqué à Los Angeles dans une énorme maison avec piscine où j'ai repris des forces pour aller jusqu'à San Francisco, exactement à Sausalito chez Paul et Suzette que j'avais connu au Honduras Britannique.

AVEC les BIKEURS

Déjà sur le trajet Los Angeles San Francisco, ces motards connus comme Hells Angels m'avaient pris comme passager sur leurs Harley Davidson. Ils me tenaient en sympathie car j'avais traversé le Mexique et le désert de Sonora ce qui pour eux était un exploit remarquable. Ils m'avaient baptisé " frenchie".

Ils vivaient en tribu sur des territoires bien délimités avec un chef bikeur qui prenait les décisions pour le groupe.  Ce grand barbu au blouson de cuir clouté avait décidé de me conduire à Sausalito de l'autre côté de la baie; c'est avec cette escorte que j'ai roulé sur le Golden Gate Bridge pour rejoindre l'atelier de Suzette et Paul qui travaillaient le cuir.

C'était la mode hippie; les hauts de San Franscisco étaient envahis de jeunes hommes et de femmes vêtus de pyjamas à fleurs.

La mode hippie avait envahi les rues de San Francisco, les cheveux longs aussi. Pour passer inaperçu valait mieux avoir des chemises à fleurs, la queue de cheval et fumer du cannabis en prenant une bouffée du joint qui passait de main en main. Les fêtes animées de musique psychédélique étaient dans tous les quartiers et dans les banlieues autour de la baie; j'y étais invité sans savoir par qui mais le biker, mon chauffeur, le savait et me laissait là en  bonne compagnie.

De fêtes en fêtes suis arrivé à Malibu chez un écrivain dont la compagne travaillait au club Playboy; le soir elle mettait sa tenue de Bunie  avec son pom-pom blanc aux fesses et revenait au petit matin. Le motard qui m'avait conduit là était reparti après sa livraison de coke et je ne connaissais personne dans ces grandes villas qui longeait la plage du Pacific Coast  Highway.

Les journées étaient longues et ennuyeuses. Fallait trouver la sortie; plus question de remonter vers le nord comme prévu pour aller en Alaska gagner des dollars dans le pêcheries et traverser l'Océan afin d'atteindre le Japon. Un matin marchant vers Santa Monica je vois une annonce dans une agence de voyage " Promotion air ticket".

J'y rentre pour m'informer. Dans la liste des prix qui correspondent à mon budget, deux cent dollars, il y a deux destinations pour un départ immédiat: Hawaï ou Lima Pérou. Pas question pour moi de rester avec les américains, sans aucun intérêt culturel sinon les délires des drogues psychédéliques , je choisi le Pérou.

Je paye mon billet avec le dernier argent liquide que j'avais gagné comme cuisinier sur le yacht Puritain de Mario Prado à Acapulco. Je passe prendre mon sac chez l'écrivain et je file à LAX airport. Je rentre dans l'avion facilement ayant un passeport français et mon "bagage" à main que je conserve précieusement depuis la France avec toute ma fortune.

Quelques heures plus tard j’atterris à Lima sans connaître personne et sans le sous. Au poste de police, le chargé de tamponner les visas d'entrée, au vue de ma tenue rudimentaire, me demande où je vais. À l’énoncé du nom Mario Prado il me colle le tampon avec un sourire et une bienvenue car cet homme est célèbre au pays " Où les oiseaux vont mourir...".

Aucun moyen de payer un transport vers la capitale distante de plusieurs kilomètres et c'est à pied que je me dirige vers la mer pensant trouver un endroit pour dormir sur la plage. Hélas le front de mer est une haute falaise qui ne laisse pas d’accès au bord de l'eau. La nuit est là et les rues sont mal éclairées.

Soudain une annonce lumineuse brille dans l'obscurité en haut du trottoir devant moi:" Restaurant français Le Cendrillon" . Je frappe à la porte; elle s'ouvre. Une belle femme corpulente vêtue d'une robe à fleurs me demande " si senor?". Je réponds en français "madame, vous parlez français" - " bien sûr je suis française".

Je lui dis que je viens d'arriver à Lima par l'aéroport et que je cherche un endroit pour passer la nuit. Après quelques explications, elle me fait rentrer et me propose un abri dans le jardin derrière le restaurant. Je resterais là plus de trois mois.

 

photo internet Miraflores Lima

photo internet Miraflores Lima

On s'était quitté au Mexique après avoir été marins plusieurs mois sur le magnifique voilier deux mats de quarante mètres Le Puritain. Je fus impressionné par l'apparition de cette embarcation en bois des îles, encrée au large de cette plage le long de la route au nord de Mazatlan. Nous étions depuis deux jours et deux nuits dans ce camion chargé de bananes qui nous avait pris à son bord à Belize; destination Tijuana.

Je ne sais quelle envie soudaine ma prise de monter à bord. J'ai demandé au chauffeur de nous arrêté là. Nous avons débarqué nos sacs à dos et dit au revoir à ces trois camionneurs qui ne comprenaient pas la raison de cette décision soudaine. L'endroit était désert mais le sable blanc sous un palmier accueillant.

Nous avons installé notre bivouac là avec le bateau juste en face à une centaine de mètres sur les flots au large. J'étais convaincu qu'à un moment ou un autre quelqu'un allait venir pour aller ou sortir du yacht. Ce fût le surlendemain qu'une annexe conduisit à terre un marin habilé de blanc accompagné de deux rameurs noirs.

Arrivés sur la plage je suis allé à leur rencontre et je me suis présenté en anglais " Bonjour captain, je suis un cuisinier français et je cherche du travail". Cela a eu l'air de l'intéresser et m'a demandé mon expérience professionnelle en deux mots . J'ai répondu brièvement: "j'étais guide interprète au Club Méditerranée à Islas Mujeres pour des excursions en mer vers Cancun, Contoy"-" je préparais les repas  avec les produits de la pêche".

Après quelques questions sur la France et ma façon de cuisiner les barracudas et les lambis, il accepte de nous prendre une semaine à l'essai tous les deux. Nous voilà à bord du Puritain avec quatre autre marins des Barbade.

Le Puritain en Méditerranée

Le Puritain en Méditerranée

Nous sommes embauchés et inscrit sur la "crew list"; on doit y être encore et notre vie à bord comme marin dans la baie d'Acapulco était simple, agréable, pacifique comme le nom de notre océan car le propriétaire ne venait que très rarement et le capitaine passait son temps à terre.

Ce fût sur un énorme paquebot que nous nous sommes retrouvés dans l' hémisphère sud à Chimbote au nord du Pérou après plusieurs mois de séparation. De jardinier au restaurant Cendrillon, j'étais passé en salle derriére le bar où les clients, diplomates ou chef d'entreprise venaient boire leur whisky Chivas en fin de repas.

Un soir tard je racontais mes voyages au directeur de la CGM qui me posait beaucoup de question sur notre vie commune "sur la route" au Mexique et au Honduras Britannique. La période de notre emploi comme guide interprète au Club Med l’intéressait particulièrement car il avait vécu à Islas Mujeres. On revivait ensemble ces journées sous les cocotiers à déguster des langoustes et des œufs de tortues ou les plongées dans les eaux transparentes des îles du Yucatan.

Il voulait savoir où était ma compagne, ce qu'elle faisait maintenant en France. Je n'avais pas trop de nouvelles sinon par des lettres qui arrivaient de temps en temps et j'ai pu lui dire qu'elle cherchait à me rejoindre. Elle vivait avec ma sœur en banlieue d'emplois précaires. Il m'a demandé si je pouvais la joindre. J' ai dit oui par télégramme.

Alors il m'a donné le nom d'une personne et une adresse à Paris où elle devait se rendre pour avoir un billet à moitié prix de La Rochelle à Lima sur un cargo qui passait par le canal de Panama.

J'ai su qu'elle y était allé, pas très convaincu car même à tarif réduit cela devait dépasser son budget.

En fait le billet était gratuit. C'est ainsi que deux mois plus tard, je suis allé à Chimbote pour la rencontrer. Le capitaine m'a permis de monter à bord du Piura et ce fût une croisière lune de miel d'une semaine jusqu'au Callao. On était de nouveau ensemble pour continuer notre périple en Amérique du Sud cette fois.

Malgré tout le confort offert par les sympathiques propriétaires du Cendrillon et des propositions d' ouvrir comme gérant un nouveau restaurant à Miraflores, nous avons décidé de reprendre notre vie de nomade "sur la route", cette fois dans les Andes. Et un matin à la sortie de Lima, au bord de la route qui franchissait ce col du Tiquillio, un camion nous a conduit au cœur  de la cordillère chez les descendants des Incas.

Nous avons décidé de marcher sur les sentiers qui conduisent aux communautés Quechua et Aymaras. Chaque jour nous rendait plus à l'aise et confiant pour aller toujours plus loin de la civilisation du bitume et du béton. Les Indiens nous accueillaient comme des "gringos" qui fuyaient le monde des blancs; on ne se privait pas de leur donner des exemples de l'absurdité de notre monde occidental avec "le couteau électrique" devenu à la mode chez nous. Ils comprenaient vite le fonctionnement de ce nouveau gadget et nous rions tous ensemble.

On s'est aventuré aussi dans des régions inhabitées du désert du Salar de Uyuni ou du Alto Tipuani.

A Santiago du Chili dans la rue avant l'élection d'Allende. photo guy capdeville

A Santiago du Chili dans la rue avant l'élection d'Allende. photo guy capdeville

Nous arrivions à la fin des six mois autorisés par le visa touristique donné à notre entrée en Bolivie au poste frontière de Desaguadero; fallait songer à changer de pays. Le plus proche dans ce désert du nord de l'Atacama était le Chili. Pas vraiment de route mais une ligne de chemin de fer . Quelques trains de marchandise passaient là et l'un d'eux dans un wagon de minerais à fond plat nous amena jusqu'à la frontière où je descendis pour faire valider sur mon passeport l'entrée dans un nouveau pays.

J'avais déjà voyagé gratuit dans ce genre de transport par chemin de fer au nord de l'Espagne lors de mes premières fugues d'adolescent et je savais leur inconfort; en plus du bruit des ferrailles qui s'entrechoquent, ils n'avaient pas d'amortisseur aux essieux et les soubresauts étaient violents à chaque passage d'un nouveau rail.   Le pire fut ce train de minerais, connu pour être le plus long du monde, qui nous a permis de sortir du Sahara Occidental où étions en panne de véhicules pour faire la traversée jusqu'à Nouakchot .

C'est par la route goudronnée chilienne que nous sommes arrivés au bord de cette côte Pacifique où le désert de pierres et de poussiéres plonge dans la mer, il n'y pleut jamais. Le plus difficile fût de se réadapter à l'air marin après plusieurs mois passés avec ce manque d’oxygène caractéristique de la vie à haute altitude.

Bientôt nous arrivons à la capitale Santiago et une visite à l'Alliance Française nous fait connaître un couple de professeurs qui, très interessés par nos marches dans les Andes nous invitent chez eux. Faut se réhabituer à dormir sur un matelas, manger du pain du fromage, de la viande et boire du vin. On reprenait des forces à ne rien faire et on avait le temps de prévoir où, quand, comment aller naître notre enfant.

Après mures réflexions j'avais conclu que le mieux était qu'il naisse en Afrique. En étudiant de plus prés cette idée, on avait la possibilité  de rejoindre Johannesburg directement par avion. Il suffisait d'acheter le billet avec LAN CHILE autour de deux mille dollars pour nous. Comment trouver cet argent rapidement?

J'ai eu l'idée d'inscrire Nicky dans une agence de modèles, la plus réputée d’après les informations fournies par des confrères journalistes, avec un dossier de photos que j'avais pris soin de bien présenté. Quelques jours plus tard nous avons été convoqué par l'agence qui voulait faire un casting pour un film publicitaire; il s'agissait de Rexona.

Le cachet pour une heure de mise en scène et tournage était de mille dollars; fallait pas hésiter. Le directeur commercial de la marque nous a conduit au studio et sous les projecteurs Nicky a pris la pause, de dos avec une savonnette à la main pour la passer sous le bras gauche. Ce fût vite fait en une seule prise de cinq minutes et elle est allée se rhabiller.

On attendait de passer à la caisse mais le réalisateur nous informa qu'il y avait eu un probléme d'éclairage et qu'il fallait refaire la séquence; on serait payer le double. Pas de probléme, on recommence. Cette fois le film fût une réussite et on allait pouvoir partir pour l'Afrique du Sud.

Le Chili traversait à ce moment là une période électorale mouvementée qui a abouti à l'élection de Salvador Allende. Quelques semaines plus tard le peso était dévalué de presque mille pourcent et le paiement de Rexona permettait tout juste d'acheter un billet de bus pour aller jusqu'à la frontière du Brésil.

On a décidé que notre fils naitrait là et c'est nos amis de l'Alliance qui nous conduit en voiture jusqu'à Portillo, en haut du col, pour garder le peu d'argent qui nous restait de ce tournage publicitaire.

On a repris "la route", traversé rapidement l'Argentine par manque d'affinité et après le Paraguay et l'Uruguay nous sommes arrivés à Sao Paulo chez des amis connus à La Paz.

Il a fallu se rendre à l'évidence, mon passeport allait bientôt être périmé. Je serais obligé de vivre sans identité. Cette perspective impliquait le renoncement à franchir des frontières et être citoyen du monde comme je l'avais ressenti jusqu'à présent. J'avais toujours trouvé une solution pour ne pas risquer d'être hors la loi: quand j'étais mineur, en errance, loin de ma ville natale, je gardais toujours au fond de mes poches les quelques francs qui me permettraient de prendre un billet de train pour rejoindre le domicile familial. Ainsi je ne pouvais pas être contrôlé par les gendarmes en état de vagabondage.

J'avais la possibilité de devenir un apatride ou bien d'acquérir une fausse identité chilienne qui m'était proposée par ces étudiants révolutionnaires marxistes habitués à agir sous de faux noms autant en Bolivie que dans leur pays. Je les avais connus dans les rues de Santiago lorsque des commandos armés de pinceaux et pots de peinture couvraient en une nuit des murs du centre ville de propagande communiste.

Ces solutions ne me donnaient pas entière satisfaction. Je cherchais une autre alternative sachant que je n'avais aucune envie d'aller au Consulat demander un renouvellement de mon passeport français. C'est en parlant avec un jeune stagiaire de l'Ambassade qu'une idée est apparue; pour le valider, il suffisait d'un tampon sur la page réservée à cet effet pour une prorogation. Ce sésame se trouvait à la Préfecture du Lot et Garonne.

J'avais des contacts et amis dans toutes les administrations d'Agen en tant que journaliste et je me suis souvenu de cette secrétaire charmante qui travaillait aussi au RG . Elle me donnait de bons tuyaux pour faire des articles à sensation et je gardais son contact . Après plusieurs tentatives  j'ai réussi à lui parler et lui dire mon probléme.

Si j'arrivais à lui faire parvenir mon passeport, elle avait la possibilité de le tamponner. C'est ainsi que j'ai pris un livre ordinaire et creusé à l'intérieur les pages pour y caler le document. Expédié par la poste, il est revenu quelques semaines plus tard avec le même emballage. J'avais un nouveau passeport valide pour aller où je voulais, comme je l'avais fait jusqu'à présent, avec ce carnet de dix traveler’s chèque de vingt dollars  de la Bank of America déclaré comme perdu à New York et qui prouvait à qui me le demandait que je n'étais pas un vagabond.

Faire un nouveau vrai faux passeport pour rentrer en Libye fût une autre prouesse.

Ces mêmes ingénieurs agronomes de l'ORSTOM qui étaient venus me rendre visite au Vénézuela sur la propriété de cinq mille hectares dont j'étais l'administrateur depuis deux ans m'ont demandé de venir les voir à Paris. Je venais de rentrer en France après plus de trois ans à l'étranger et cette convocation m'a étonné par son côté dit urgent.

Je me souvenais qu'ils avaient été impressionné par mon travail réalisé sur cet élevage extensif de trois mille zébus de race Brahmane dans ces immenses plaines au sud de l'Orénoque avec des forêts primaires de la Gran Sabana à la limite de la frontière nord du Brésil; c'était aussi le territoire des Yanomanis. Ils avaient surtout apprécié la façon dont je m'étais adapté à cette nature sauvage et su établir de bons rapports avec les employés vachers les "llaneros" de plusieurs nationalité sud américaine.

En partant ils m'avaient demandé de leur donner une adresse où il pourrait me contacter en cas  de besoin. J'ai reçu un lieu de rendez vous et l'assurance que tous mes frais de déplacements seraient remboursés. La réunion eut lieu dans un appartement du quartier latin où ils m'ont bien briffé sur leur dossier libyen en insistant que j'étais pour eux la seule personne qui pouvait solutionner leur grave  probléme.

Ils avaient crée pour le ministère de l'agriculture de ce pays producteur de pétrole un projet de cultures de légumes dans le désert, notamment des tomates, grâce à des serres en verre sur trois hectares avec un système hydroponique d'irrigation goutte à goutte. Ils se trouvent que les ingénieurs agronomes qu'ils avaient envoyé comme responsable d'exploitation ont démissionné après quelques semaines sur place à Tobrouk .

J'avais beau leur dire que je n'avais qu'un diplôme de technicien agricole obtenu dans une école de sylviculture quand j'ai quitté précipitamment la presse et monté une petite entreprise  d'élagage dans l'Ariège, ils rebattaient tous mes arguments pour renoncer en insistant que j'étais pour eux la derniére chance de faire aboutir ce projet où des millions de francs étaient investis. Pour me convaincre d'accepter ils m'ont assuré que j'aurais une équipe de chercheurs de l' INRA qui trouveraient une solution à tous les problèmes de maraîchages dans ce désert où aucune plante pousse, il suffirait de les contacter. De plus ils me donnaient un diplôme d'ingénieur maison.

Finalement je suis parti à Tripoli et signé un contrat d'un an avec la Jamayria de Tobrouk. Au bout de deux mois j'ai exigé que ma compagne me rejoigne. J'ai eu l'autorisation de venir la chercher en France mais son passeport ne mentionnait pas qu'elle était mariée. Il a fallu résoudre rapidement le probléme car seul son frère pouvait la faire rentrer en Libye.

On lui a conseillé de déclarer la perte du passeport pour en obtenir un autre où au moment de son acquisition elle signerait son nom bien à gauche du document pour rajouter son nom d'épouse. C'est avec ce faux vrai passeport que nous sommes arrivés à notre domicile prés des serres dans le désert du Jebel Akdar.

Ces mêmes ingénieurs agronomes de l'ORSTOM qui étaient venus me rendre visite au Vénézuela sur la propriété de cinq mille hectares dont j'étais l'administrateur depuis deux ans m'ont demandé de venir les voir à Paris. Je venais de rentrer en France après plus de trois ans à l'étranger et cette convocation m'a étonné par son côté dit urgent.

Je me souvenais qu'ils avaient été impressionné par mon travail réalisé sur cet élevage extensif de trois mille zébus de race Brahmane dans ces immenses plaines au sud de l'Orénoque avec des forêts primaires de la Gran Sabana à la limite de la frontière nord du Brésil; c'était aussi le territoire des Yanomanis. Ils avaient surtout apprécié la façon dont je m'étais adapté à cette nature sauvage et su établir de bons rapports avec les employés vachers les "llaneros" de plusieurs nationalité sud américaine.

En partant ils m'avaient demandé de leur donner une adresse où il pourrait me contacter en cas  de besoin. J'ai reçu un lieu de rendez vous et l'assurance que tous mes frais de déplacements seraient remboursés. La réunion eut lieu dans un appartement du quartier latin où ils m'ont bien briffé sur leur dossier libyen en insistant que j'étais pour eux la seule personne qui pouvait solutionner leur grave  probléme.

Ils avaient crée pour le ministère de l'agriculture de ce pays producteur de pétrole un projet de cultures de légumes dans le désert, notamment des tomates, grâce à des serres en verre sur trois hectares avec un système hydroponique d'irrigation goutte à goutte. Ils se trouvent que les ingénieurs agronomes qu'ils avaient envoyé comme responsable d'exploitation ont démissionné après quelques semaines sur place à Tobrouk .

J'avais beau leur dire que je n'avais qu'un diplôme de technicien agricole obtenu dans une école de sylviculture quand j'ai quitté précipitamment la presse et monté une petite entreprise  d'élagage dans l'Ariège, ils rebattaient tous mes arguments pour renoncer en insistant que j'étais pour eux la derniére chance de faire aboutir ce projet où des millions de francs étaient investis. Pour me convaincre d'accepter ils m'ont assuré que j'aurais une équipe de chercheurs de l' INRA qui trouveraient une solution à tous les problèmes de maraîchages dans ce désert où aucune plante pousse, il suffirait de les contacter. De plus ils me donnaient un diplôme d'ingénieur maison.

Finalement je suis parti à Tripoli et signé un contrat d'un an avec la Jamahyria de Tobrouk. Au bout de deux mois j'ai exigé que ma compagne me rejoigne. J'ai eu l'autorisation de venir la chercher en France mais son passeport ne mentionnait pas qu'elle était mariée. Il a fallu résoudre rapidement le probléme car seul son frère pouvait la faire rentrer en Libye.

On lui a conseillé de déclarer la perte du passeport pour en obtenir un autre où au moment de son acquisition elle signerait son nom bien à gauche du document pour rajouter son nom d'épouse. C'est avec ce faux vrai passeport que nous sommes arrivés à notre domicile prés des serres dans le désert du Jebel Akdhar.

 

 

 

photo serres en verre CMF project

photo serres en verre CMF project

Notre bungalow, un container aménagé avec air conditionné posé sur le sol, était dans la zone réservée au personnel étranger de plusieurs nationalité. Tous les matins je partais avec la Land Rover prêtée par le ministère de l'agriculture libyen rejoindre les plantations de tomates avec la quarantaine d'employés qui exécutaient mes directives des travaux à effectuer.

  J'ai vite compris que la journée de travail effectif était avant la deuxième prière du matin; après c'était l'heure du thé et l’après midi il faisait trop chaud pour s'occuper des plantations. Au campement un autre ingénieur nous avait appris à faire de la bière avec cinquante litres d'eau, dix kilos d'avoine et un kilo de bio malt . Chacun à notre tour on la mettait en bouteilles avec des capsules importées de France.

C'était un régal de la boire bien fraîche et nous avions quelques libyens, des autorités militaires ou civiles, qui venaient chacun à leur tour goûter le précieux breuvage à condition de ne jamais se rencontrer entre eux. C'est ainsi que j'ai connu le responsable du port pétrolier qui m'a permis d'avoir accès à son téléscripteur et de son bureau j 'ai pu communiquer directement avec un code que nous avions défini avant mon départ à l'INRA  pour solutionner les problèmes des cultures qui étaient nombreux .

Au fil des mois je m'étais adapté à ce mode de vie entre expatriés, personnel du ministère  et commerçants en ville; l'ambiance était toujours paisible rythmée par les appels à la prière à condition de ne pas évoquer le nom du président ou de dieu. Finalement j'ai réussi à récolter dix tonnes de tomates qui ont été déposées sur une bâche devant les serres et offertes à tous.

Je suis passé à la télévision devant mes tomates, félicité par le ministre de l'agriculture mais après plusieurs jours elles ont commencé à moisir, presque personne ne venait en prendre. En fait, ils n'avait jamais vu ce légume frais et l'utilisait uniquement en sauce en boîte pour la "chorba".

Mon contrat était terminé. Je voulais rentrer et j'avais un billet open sur la Libyan  Air Line qui me permettait de voyager où je voulais quand je voulais. Malgré mes demandes de retour en France au secrétariat de l'agriculture je n'arrivais jamais à faire une réservation de vol. C'est à l'agence de voyage en ville qu'un matin la responsable m'a dit qu'un avion partait à la mi journée pour Paris.

Sans hésité je suis allé prendre un sac de voyage et ma compagne au domicile et j'ai foncé avec ma Land Rover jusqu'à l'aéroport de Benghazi. Le Boeing était en partance ; avec mon véhicule du gouvernement j'ai fait ouvrir le portail d’accès au tarmac et en criant "official, official" j'ai pu faire remettre l'escalier d’accès à la porte de l'avion. C'est ainsi que nous sommes parti en catastrophe mais sain et sauf car j'ai appris plus tard que les officiels libyens ne voulaient plus me laisser partir.

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : photojournalisme
  • : photographe de presse fut mon premier métier ; avec l'argentique les photos n'étaient pas retouchées. Elles étaient imprimées en noir et blanc comme à la prise de vue, c'était de vrais documents. Aujourd'hui avec le numérique toutes les photos sont retouchées
  • Contact

Recherche